Chine-France : pour un grand renouveau historique

Il y a quarante-cinq ans, le 27 janvier 1964, le général De Gaulle établissait des relations diplomatiques avec la République Populaire de Chine. C’était le début d’une ère nouvelle d’amitié qui fut mutuellement bénéfique entre les deux pays. Certes elle a connu des périodes de tension, notamment en ce qui concerne les relations avec Taïwan. Certes le dossier des droits de l’homme a constamment conservé une sensibilité particulière. Mais toujours ces difficultés ont été discutées puis surmontées en raison de l’intérêt mutuel et d’une confiance profonde entre les dirigeants. C’était la volonté commune d’en finir avec la bipolarité, de redonner aux relations internationales une nouvelle respiration et un plus juste, plus raisonnable équilibre. Les Etats-Unis le comprirent qui, peu de temps après, sous l’impulsion de Henry Kissinger et Richard Nixon entreprirent un rapprochement spectaculaire marqué par le fameux communiqué de Shanghaï de 1972.

Aujourd’hui les relations franco-chinoises connaissent une période d’incertitude, crise de confiance vue de Pékin, dont il convient de sortir au plus tôt. Tout y incite : l’esprit de continuité dans l’amitié mais aussi l’urgence d’une situation économique et financière exceptionnellement grave. Il serait absurde de s’engager dans un jeu à somme nulle où la France perdrait sa place économique, au demeurant encore insuffisante, où la Chine se priverait d’un débouché pour ses exportations et d’une source d’innovation pour son développement technologique.
La seule question du Tibet ne saurait durablement envenimer les relations entre nos deux pays. Il est clair que Paris n’a pas suffisamment mesuré l’extrême sensibilité du sujet pour Pékin dès lors qu’il y va du sentiment de l’indéfectible souveraineté nationale. Sur ce point, le moment venu, en toute tranquillité, de manière unilatérale, la Chine pourrait annoncer et mettre en œuvre une nouvelle politique culturelle à l’égard de ses minorités nationales tant au Tibet qu’au XinJiang. Très sensible aux évolutions culturelles, l’Union européenne trouverait là matière à mieux comprendre la réalité de situations souvent mal connues. Paris pourrait alors s’engager plus facilement au sein de l’Union Européenne afin de contribuer à apaiser les esprits inquiets. Des maladresses de calendrier diplomatique, des sautes d’humeurs d’un instant, des malentendus personnels sont bien peu de chose au regard des convergences profondes et des intérêts majeurs qui poussent à une coopération renouvelée et novatrice. Le moment est donc venu de reforger un avenir durable pour la relation entre Chine et France.

La Chine d’aujourd’hui a changé à un rythme exceptionnel, Grande puissance d’envergure mondiale, elle fait progressivement face à des responsabilités internationales. Elle ne peut plus conserver un « profil bas » au Conseil de sécurité des Nations Unies. Des signes indicateurs très encourageants montrent son engagement. Qui eut songé, il y a seulement cinq ans que la marine chinoise contribuerait à la sécurité de la Mer Rouge et des côtes somaliennes contre la piraterie ? De plus en plus, la Chine voit ses intérêts liés à la qualité de la situation politique au Moyen Orient. Disposant d’un poids nouveau, la Chine peut contribuer au règlement des dossiers les plus graves comme la prolifération nucléaire par un engagement significatif à l’égard de l’Iran. Il en va de même du conflit israélo-palestinien. Pékin trouverait certainement sa place, autant que Moscou, au sein du Quartet, si ce dernier peut prétendre avoir encore un rôle à jouer comme le souhaite la nouvelle administration des Etats-Unis.
La nouvelle relation franco-chinoise du XXI ème siècle doit aussi reposer sur une coopération justement équilibrée touchant aux matières premières, aux questions énergétiques et au développement durable de l’Afrique.
Dans ces deux vastes aires géopolitiques, inégalement riches mais uniformément instables, il importe, ensemble, de combattre en profondeur les facteurs déclenchant de la violence interethnique, interconfessionnelle et le terrorisme qui s’en nourrit. Si, en Afrique, la Chine dispose d’une puissance fascinante mais parfois inquiétante, la France détient l’irremplaçable expérience de la complexité du terrain politique.

Enfin, plus globalement, dans le cadre de la crise économique actuelle, la France avec tous ses entrepreneurs, grands et petits, peut prendre l’initiative d’un vaste plan d’équipement de la Chine en infrastructures. Le désenclavement complet des campagnes chinoises doit devenir un moteur supplémentaire du développement. Usant de son influence au sein de l’Union européenne, la France peut promouvoir une politique de grands travaux d’infrastructures régionales (campagnes et villes moyennes) qui permettrait de relancer la consommation dont a besoin chacun des deux pays afin de retrouver les voies d’une prospérité momentanément compromise. En outre, développer les énergies alternatives, notamment l’industrie nucléaire, promouvoir la qualité de l’environnement, l’amélioration de la qualité de la vie sont, à l’évidence, les domaines de l’action commune.
Le trop court laps de temps traditionnel de « l’année de la Chine » puis de « l’année de la France » est dépassé. Il faut mettre en oeuvre « la génération de la Chine et de la France ».