Situation en Israël : automne 2008

Les réflexions qui suivent visent à rendre une image fidèle de la situation actuelle en Israël. Elles s’intègrent dans le cadre d’une recherche universitaire sur la situation politique dans la bande de Gaza depuis le décès de Yasser Arafat.

Ce voyage coïncidait avec la fête musulmane de Ramadan et à la préparation des fêtes juives de Rosh Hashana, Kippour et Souccoth. Cette ambiance religieuse était particulièrement palpable à Jérusalem et dans son voisinage proche, comme à Abou Gosh. Mais le fait le plus marquant tenait au calme qui régnait aussi bien en Israël que dans les territoires, en sachant que la particularité de cette région est que rien n’est jamais totalement stable, la situation pouvant à tout moment dégénérer et la violence armée reprendre. Néanmoins, mis à part ce sentiment d’incertitude, n’importe quel observateur pouvait se rendre compte que dominait une certaine tranquillité contrairement à ce que l’on pouvait ressentir durant l’été 2000. En effet, la tension était alors particulièrement tangible, notamment à Jérusalem où certaines boutiques et cafés du quartier musulman de la Vieille ville fermaient au milieu de la journée à cause du risque d’affrontement entre jeunes Palestiniens et Gardes frontières israéliens annonçant, pour toute personne attentive et avisée, le déclanchement de la seconde intifada.
Ce calme était aussi manifeste dans la ville balnéaire d’Ashkelon. Située à environ 30 km de Gaza, on y entend passer régulièrement en période d’affrontements les avions et les hélicoptères de l’armée. Par ailleurs, depuis le retrait unilatéral d’Israël de la bande côtière, Ashkelon est la cible des roquettes Qassam tirées et fabriquées par le Hamas. Tombant parfois sans faire de dégâts, ces roquettes ont déjà touché des maisons et des centres commerciaux de la ville. La population, ne se sentant plus en sécurité, prône désormais l’adoption d’une ligne dure à l’encontre des Palestiniens. Elle ne croit effectivement plus, dans le contexte actuel, à la possibilité d’une paix. C’est certainement l’effet le plus négatif, dans cette ville balnéaire, du désengagement israélien de Gaza.
Néanmoins, pour certains chercheurs israéliens , le retrait de l’armée de la bande côtière n’est pas totalement négatif. Selon eux, le Hamas est désormais plus prudent vis-à-vis d’Israël. En effet, ils affirment que les dirigeants du mouvement craignent une reprise en main du territoire par l’État hébreu. Il s’agit donc d’une question de survie politique étant donné que les deux principales conséquences d’une telle intervention militaire seraient la perte du soutien de la population palestinienne et la fin du gouvernement Hamas.
Certains chercheurs des centres stratégiques de Tel-Aviv et de Jaffa pensent que cette crainte est une des principales raisons qui poussent le Mouvement de la résistance islamique à respecter, et faire respecter, la trêve obtenue le 19 juin 2008 avec Israël. Ils analysent l’échec des pourparlers pour la libération de Guilad Shalit selon la même grille de lecture. Certains spécialistes pensent effectivement que le Hamas considère le soldat israélien comme un gage de sécurité contre une opération militaire d’Israël dans Gaza. Cette affirmation découle d’une question simple : quelles sont les raisons qui poussent un mouvement aussi pragmatique que le Hamas à être aussi excessif dans le nombre de prisonniers qu’il souhaite échanger contre un seul soldat ? L’intérêt d’un échec des négociations serait donc double : sauvegarder l’intégrité territoriale de la bande côtière et protéger le gouvernement d’Ismaël Hanieye d’une éventuelle tentative de renversement par une intervention de l’armée israélienne.
Le paradoxe réside dans le fait que l’échec des négociations pour la libération du caporal Shalit n’est pas envisagé par le Hamas comme un point positif. Le Mouvement de la résistance islamique est effectivement en quête de victoire susceptible d’améliorer et de renforcer sa situation sur la scène politique palestinienne. Il a donc tout intérêt à obtenir la libération de ses membres contre celle de Guilad Shalit. Le Hamas cherche aussi à faire un exemple de sa gestion du pouvoir dans ce territoire afin de montrer à la population que malgré les difficultés et le boycott de la Communauté internationale il est apte à répondre à ses attentes. C’est sa crédibilité en tant qu’alternative politique au Fatah qui en dépend.
Surtout que Mahmoud Abbas perçoit des aides israéliennes, américaines et européennes dont l’une des conséquences est le renforcement du clivage entre la Cisjordanie et la bande de Gaza en matière économique, politique et social. Ainsi, pour certains spécialistes israéliens, nous avons désormais deux « mini-États » palestiniens qui fonctionnent séparément et selon une idéologie politique opposée, un peu comme à l’image de la situation allemande à l’époque de la Guerre froide. C’est pourquoi, ces analystes sont très pessimistes sur l’avenir des Palestiniens. Tous pensent que tant que le Hamas et le Fatah ne se réconcilient pas, la création d’un État palestinien restera impossible et le conflit avec Israël perdurera. La traditionnelle stratégie qui consiste à attiser les divisions inter-palestiniennes pour mieux dominer le rapport de force ne trouve-t-elle pas là ses limites ?