Défis et enjeux stratégiques du Japon dans l’avenir

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Conférence du 1er juillet 2005 de Hiroshi HIRABAYASHI, Ambassadeur du Japon à Paris. Compte-rendu.

L’EVOLUTION DE L’ENVIRONNEMENT INERNATIONAL

Nous constatons une évolution de l’environnement sécuritaire qui entoure le Japon. De nouveaux défis apparaissent (terrorisme international, prolifération des ADM, commerce des petites armes, conflits religieux et ethniques...) et ces nouveaux dangers ne cessent de croître et de mettre en péril l’ordre international.

Face à cette évolution générale, la situation asiatique se modifie aussi : plus de la moitié de la population mondiale se trouve dans cette partie du monde, les progrès économiques sont patents, mais il reste beaucoup à faire sur les plans militaires et de la sécurité.

LA SITUATION EN ASIE

  • La Corée du Nord : ce pays se développe, mais demeure à part, c’est une dictature, avec un système archaïque, sous le contrôle strict de Kim Jong Il. En outre nous assistons à une quasi-faillite du système économique qui entraîne un développement des populations pauvres : cela constitue un ensemble d’éléments déstabilisateurs pour l’Asie et surtout pour le Japon.
    Enfin, la Corée du Nord veut acquérir l’arme nucléaire ce qui nous inquiète d’autant plus que les discussions à 6 [1] ont été abandonné par ce pays : des signes laissent à penser que ce processus pourrait être relancé. Nous espérons surtout que la Chine va déployer sa force de persuasion vis-à-vis de la Corée du Nord.
  • La Chine : Ce pays connaît un développement économique remarquable, mais demeure une dictature communiste, bien qu’une dictature éclairée. La mainmise du Parti Communiste demeure très importante sur la population (pas de liberté d’expression, de manifestation...). Toutefois, la Chine doit prendre plus de responsabilités dans les affaires de la région, ainsi que dans celles du monde.
    La Chine est perçue au Japon comme un défi important, pas comme une menace. Tout de même, ce pays est une source de préoccupations pour le Japon, comme pour les pays de l’ASEAN, et de l’Inde. La Chine devrait faire plus d’efforts pour dissiper les appréhensions. Depuis 10 ans, le budget militaire chinois augmente officiellement annuellement de plus de 10%, mais cela pourrait être deux fois plus en réalité.
  • l’ASEAN : le Japon en est le partenaire le plus privilégié, il apporte son assistance dans de nombreux domaines tels que la lutte contre le sous-développement, la piraterie...
  • La Russie : Ce pays est à moitié européen, à moitié asiatique : il n’est pas perçu comme une menace, il est un partenaire pour promouvoir la paix et la stabilité du monde.
  • L’Inde : C’est un partenaire de première importance pour le Japon, situé à un carrefour sensible, sur les plans géopolitique et stratégique. Ce pays est la plus grande démocratie du monde (il n’y a pas eu de coups d’État depuis l’indépendance, la presse est indépendante, le système judiciaire aussi...) : il est un pilier dans un monde multilatéral comme le nôtre.
  • Le Viêt-Nam : C’est un partenaire important.

L’Inde et le Viêt-Nam sont les deux pays qui ont la capacité de faire contrepoids à la Chine militarisée.

LA POLITIQUE JAPONAISE DE SECURITE

Elle a deux objectifs majeurs :

  • la promotion et l’élimination de menaces extérieures
  • le maintien et le développement d’une situation internationale stable et paisible

Notre défense nationale s’articule autour de deux principes fondamentaux :

  • notre politique est exclusivement orientée sur la défense et ne doit pas menacer d’autres pays
  • nous avons une position strictement anti-nucléaire : nous ne souhaitons pas la posséder, ni la développer, ni l’importer.

Nous avons défini trois piliers pour l’avenir :

  • le maintien de nos capacités de défense, adaptées aux défis régionaux et internationaux. Celui-ci passe par un accroissement constant de nos capacités de défense, comme présenté dans notre Programme de Défense Nationale (PDN) [2]. Il est en effet nécessaire de s’adapter au nouvel environnement de sécurité. Le rôle du Japon est de plus en plus important en Asie et dans le monde, celui-ci doit répondre efficacement aux défis identifiés par notre PDN pour 10 ans, tout en respectant les intérêts des pays voisins :
    • attaques de missiles balistiques
    • mouvements de guérilla ou attaque de commandos
    • invasion des îles
    • violation de l’espace territorial aérien ou maritime

L’effectif total de nos forces de défense a été réduit de 5000 personnes en 10 ans conformément à notre précédent PDN : bien que nous ayons moins de soldats, et moins de tanks, du fait de nos projets de défense anti-missiles, et de développement troupes de lutte anti-terroristes, note pays ne sera pas moins bien protégé.
Enfin, notre politique de « non-exportation » d’armements est maintenue SAUF concernant le système de défense anti-missiles balistiques, mais dans des conditions de contrôle très stricts.

  • l’alliance avec les États-Unis : elle est le fondement de la Défense nationale japonaise. Elle est vitale pour la paix et le maintien de la sécurité pour le Japon et la zone Asie-Pacifique : c’est devenu un bien commun.
  • la coopération avec la communauté internationale : le Japon multiplie les efforts pour favoriser la sécurité dans le monde, et celle du Japon, en travaillant à prévenir les conflits, à reconstruire les pays après les conflits, après les catastrophes naturelles...

Le Japon est le seul pays à avoir connu l’horreur de la bombe nucléaire, il participe donc au démantèlement des arsenaux et des bâtiments nucléaires dans le cadre de la lutte contre la prolifération nucléaire, se plie aux résolutions de l’ONU dans ce domaine, s’engage à soutenir le Traité de Non-Prolifération, met en œuvre le Traité pour l’interdiction totale des essais nucléaires (TICE-CTBT), enfin est un partenaire de l’initiative de sécurité contre la prolifération (PSI).

COOPERATION AVEC LA FRANCE
Nos deux pays participent ensemble aux exercices PSI, à la lutte contre le terrorisme. Ils participent aussi à de nombreux échanges militaires.

CONCLUSION

Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le Japon n’a cessé de participer à la paix dans le monde. Notre pays œuvre à la disparition pour toujours de la tyrannie, de l’esclavage et de l’intolérance dans le monde.


Question : croyez-vous que la Corée du Nord s’apprête à faire un essai nucléaire ? Si elle le réalisait quelle serait la réaction de votre pays ?

Réponse : Nous soupçonnons que la Corée du Nord possède déjà quelques têtes. Concernant les essais, un faisceau de présomptions laissait penser qu’ils y en auraient il y a quelques mois, mais ils n’ont finalement pas eu lieu. Si un essai avait lieu, cela changerait la donne : le dossier serait envoyé auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU, même la Chine et la Corée du Sud nous soutiendraient. Le Japon prendrait des sanctions économiques. Pour l’instant rien n’est fait car nous souhaitons faire revenir la Corée à la table des négociations pour les armes nucléaires, mais aussi pour les Japonais enlevés en Corée du Nord dans le but d’en faire des agents de renseignement.
Je pense que Kim Jong Il n’est pas assez stupide pour aller jusque là.

Question : Quel est l’intérêt du Japon à vouloir intégrer le Conseil de Sécurité de l’ONU ?

Réponse : Pour l’instant, les cinq pays membres sont détenteurs de la force nucléaire. Si l’Inde le rejoint, cela fera 6 pays dotés de l’arme nucléaire. Ce critère de sélection des membres du Conseil de sécurité nous semble dépassé.

Questions : Qu’en est-il du programme spatial militaire japonais ? Qu’en est-il de la relation japonaise avec l’Iran ?

Réponses : Il existe un satellite de surveillance japonais, un autre va être lancé, mais dans ce domaine rien d’autre n’est à prévoir. En revanche, nous allons travailler sur des satellites à buts commerciaux, météorologiques...
Pour l’Iran, le Japon soutient l’initiative des 3 pays européens que sont la Grande Bretagne, L’Allemagne et la France. Malgré la pression américaine nous demandant de rompre nos relations avec l’Iran, nous pensons qu’il vaut mieux pour nous, comme pour les Américains, que des rapports soient maintenus. Nous avons d’ailleurs des relations concernant le nucléaires : nous avons fait visiter nos centrales à des Iraniens pour leur expliquer comment enrichir l’uranium sans visée militaire.

Question : Vous avez parlé dans votre exposé des différents types de conflits, mais vous n’avez pas abordé les questions relatives aux ressources naturelles, dont le Japon n’est pourtant pas pourvues...
Réponse : Toutes ces questions vont faire l’objet de négociations futures avec les Indiens et les Chinois. Toutefois, la solution de ces problèmes demeure la poursuite des recherches scientifiques.

[1Chine, Corée du Nord, Corée du Sud, États-Unis, Japon, Russie

[2Présenté en Décembre 2004