Les leçons de notre impréparation face au Covid ont-elles été tirées face aux autres risques majeurs identifiés par les livres blancs ?

Le risque d’une "pandémie massive à forte létalité" avait été identifié dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008. Cinq autres types de menaces (attaques informatiques, conflits militaires, catastrophes naturelles, etc.) y étaient décrites.

François Géré, Jean-Paul Pinte, « Les leçons de notre impréparation face au Covid ont-elles été tirées face aux autres risques majeurs identifiés par les livres blancs ? », Interview pour Atlantico.fr, 19 septembre 2020.

Atlantico : En 2008 puis en 2013, les "Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale" listaient plusieurs types de menaces et les moyens de s’y préparer. Les propositions de ces rapports vous semblent-elles prendre en compte l’ensemble des risques possibles ?

François Géré : En préambule, il convient de préciser que le document de référence est le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008. Il a été actualisé en 2013 par un nouveau Livre blanc, plus succinct et, enfin en 2017 par la Revue stratégique. Or ces dix années d’intervalle ont été marquées par la guerre et la déstabilisation politique de la Lybie, l’aggravation des activités terroristes islamistes (attentats en France : Charlie Hebdo et Bataclan), l’intervention militaire française au Mali et au Sahel ainsi que la guerre d’Ukraine menée par des indépendantistes soutenus militairement par une Russie qui a annexé la Crimée. L’intensification des flux de réfugiés est venue s’ajouter à ces perturbations de la sécurité de l’Europe. Enfin, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump a sérieusement écorné le multilatéralisme sur d’importants dossiers tels que la maîtrise des armements balistiques et nucléaires (abrogation du traité sur les forces nucléaires intermédiaires en Europe) et remis en question la dimension de l’engagement des Etats-Unis dans l’Alliance atlantique.

Fondamentalement, les menaces identifiées se sont confirmées, développées et aggravées. S’il n’y avait donc rien de nouveau c’est la réactivité et la souplesse d’adaptation face au prévisible qui doivent être critiquée. On était bien préparé face au terrorisme biologique mais la reconversion vers la pandémie d’un virus ne s’est pas faite en raison des rigidités administratives.

Jean-Paul Pinte : Les nombreux rapports existant sur le sujet ne manquent pas de faire remarquer que nous sommes toujours en décalage avec les actes cybercriminels qui évoluent avec des modes opératoires et une ingénierie sociale de plus en plus sophistiquée.

On a en effet trop tendance à comparer le cyberespace à l’espace physique mais il est aujourd’hui trop différent dans la mesure où il apporte plus de liberté dans l’action puisque sans frontières, sans limites dans l’imagination des acteurs qui mènent les attaques envers les acteurs de la société, les citoyens tout autant que l’état. (...)