Elections libanaises : les dessous de l’alliance Aoun-Nasrallah

Les récentes élections législatives libanaises ont confirmé la solidité de l’alliance nouée depuis février 2006 entre le Courant patriotique libre de Michel Aoun, à dominante chrétienne et le Hezbollah de Hassan Nasrallah, presque exclusivement chiite, malgré le revers électoral relatif qu’ils ont subi. Ce partenariat politique original entre deux formations respectivement laïques et religieuses correspond principalement à une stratégie de long terme qui doit protéger leur communautés respectives face à la montée du radicalisme sunnite de type salafiste, voire jihadiste. Il doit aussi permettre de redéfinir, en leur faveur, les modalités d’application des « Accords de Taëf » mis en place à la fin de la guerre civile en 1990, et qui ont été profondément bouleversés depuis l’intervention américaine en Irak et l’assassinat de Rafic Hariri en 2005.

Alors que les élections législatives libanaises viennent de rendre leur verdict, avec une courte victoire de la « majorité pro-occidentale » [1] , il est opportun de s’interroger sur l’un de ses faits majeur, bien que trop souvent occulté : l’alliance nouée entre le Courant patriotique libre (CPL), à dominante chrétienne, et le Hezbollah, presque exclusivement chiite, dirigés respectivement par Michel Aoun et Hassan Nasrallah. En effet, même si les objectifs des deux partenaires, qui représentent l’essentiel des forces de l’opposition [2] , ne sont pas totalement atteints, puisqu’ils ont finalement échoué à remporter la victoire dans les urnes, alors qu’elle semblait presque acquise au départ [3] , des résultats encourageants, aussi bien à court terme que dans une perspective plus lointaine sont à souligner.

D’abord, l’alliance électorale a très bien fonctionné entre les deux partis, avec d’excellents reports de voix là où ils n’étaient pas candidats ensemble, ce qui n’était pas acquis initialement, dans la mesure où c’était la première fois qu’ils concourraient unis à des élections. Ce fait souligne qu’une confiance solide s’est progressivement installée entre les deux formations [4], même si cette nouvelle donne minimise un peu la réalité du slogan d’Aoun qui ne cessait de reprocher aux chrétiens de la majorité, « les chrétiens sunnites », d’être plus dépendants des voix musulmanes que ses partisans, « les chrétiens chiites » [5].

L’autre élément positif, en particulier pour l’ancien héraut de la guerre de libération (1989-1990), c’est que son groupe parlementaire reste globalement stable et confirme sa position de seconde force politique au Parlement [6] , la première au sein de l’opposition ou chez les chrétiens (environ un tiers des votes à lui tout seul, et la moitié, notamment avec ses alliés du Tachnag et des Maradas).

Il convient cependant de noter qu’il n’est plus aussi hégémonique qu’en 2005, lorsqu’il avait obtenu plus des deux tiers du vote chrétien, et approximativement la moitié de celui-ci pour sa seule formation. Les électeurs de cette confession (elle-même divisée en une douzaine de communautés religieuses) qui l’ont abandonné ne lui pardonnent pas son alliance avec Nasrallah qui leur semble incompréhensible et contre nature, puisqu’un ancien militaire qui s’est toujours défini comme patriote et « souverainiste » ne peut s’allier avec un proche allié de Téhéran, une puissance étrangère. Mais, dans le même temps, les chrétiens de la majorité, même renforcés, sont toujours aussi éclatés entre de multiples formations ou mouvances, à dominante sunnite, druze, ou chrétienne, mais dans cette configuration elles n’ont alors qu’une poignée d’élus dans le meilleur des cas (Forces libanaises de Samir Geagea, Kataëbs d’Amine Gemayel, Parti national libéral de Dory Chamoun). Ainsi, aucun leader chrétien, et a fortiori maronite [7] ne s’impose dans le camp du 14 mars, ce qui est une des critiques essentielle d’Aoun, qui estime que le duo Hariri- Joumblatt a pour obsession d’empêcher l’émergence d’un pôle chrétien fort à l’intérieur de son camp, et plus généralement au Liban, d’où, estime-t-il leur ostracisation permanente à son égard.

Enfin, dernière satisfaction susceptible d’atténuer la déconvenue électorale subie par les deux alliés, en particulier pour le CPL, c’est qu’il apparait comme la force politique la plus représentative du pays d’un point de vue géographique. Il a ainsi pu présenter des candidats dans toutes les régions, et a pu avoir des élus dans la plupart, ce qui n’est pas le cas des autres formations, aussi puissantes fussent-elles. C’est pourquoi Aoun tenait tellement à pouvoir présenter une liste dans la circonscription de Jezzine, la porte du Sud, où résident de nombreux chrétiens, au prix d’une bataille interne au sein de l’opposition (la seule de ce genre), puisqu’il a du affronter les partisans (chrétiens) de Nabih Berri, finalement défaits [8] . Cette représentativité territoriale, qui s’ajoute à une représentativité électorale, est essentielle pour les aounistes, car elle signifie qu’ils sont contre tout projet « séparatiste et sécessionniste » visant à créer des mini-Etas confessionnels sur les décombres d’un Liban qui est déjà de taille fort modeste, une idée qui resurgit régulièrement dans certains cercles politiques libanais ou étrangers. Ainsi, les néo-conservateurs qui ont contribué à faire émerger de puissantes forces centrifuges et communautaristes en Irak, désormais au bord de l’éclatement, ont étudié avec intérêt les divisions politiques et religieuses au Liban, qui aurait pu constituer un laboratoire intéressant [9] , s’ils n’avaient pas été si rapidement discrédités par leur fiasco mésopotamien [10].
Or pour le CPL, et aussi pour un certain nombre de chrétiens de la majorité, cette ambition fait peser une menace mortelle pour leur communauté, non seulement parce qu’elle est illusoire, mais aussi car elle contribuera à les isoler encore davantage dans la région, dans la mesure où l’aventure irakienne, qui a accentué la haine de l’« Occident », et la montée concomitante d’un radicalisme islamiste sunnite ont conduit à une stigmatisation accrue des chrétiens d’Orient, et a fortiori s’ils sont catholiques ( Maronites, Chaldéens, Melkites sont liés au Vatican basé à Rome) puisqu’ils ne correspondent pas la vision binaire et caricaturale prônée par tous les extrémistes ( la pseudo alliance des chrétiens et des juifs contre les musulmans envahis ).

A long terme, cette alliance ouvre des perspectives que les deux partenaires estiment encourageantes. Celles-ci s’appuient sur une véritable révolution des comportements politiques, et c’est probablement l’enseignement le plus important, quoique le plus ignoré de ces législatives. Pour la première fois dans l’histoire du Liban, une alliance électorale d’envergure à eu lieu, même si elle a subi un échec relatif, entre chrétiens (plus particulièrement maronites) et chiites. Les précédents accords de ce type l’étaient entre des formations partiellement ou majoritairement chrétiennes, mais peu représentatives, avec les formations Amal ou Hezbollah, qui de leur côté n’ont cessé d’accroitre leur influence au sein de leur communauté ces dernières décennies. Elle bouleverse la conception traditionnelle de la gestion de la vie politique au Liban qui est basée depuis l’indépendance sur un quasi duopole sunnito-chrétien et plus particulièrement sunnito-maronite, d’où la difficulté à repenser les paradigmes classiques, d’autant plus que beaucoup de chrétiens perçoivent encore les sunnites comme une communauté peu pratiquante et ouverte ( ce qu’elle est de moins en moins, en particulier au Nord ) et éduquée, face à des chiites plus religieux ( alors qu’ils étaient pendant longtemps plutôt laïcs ) et plus frustres. Si cette alliance d’un nouveau genre à vocation à durer, et peut redéfinir les règles qui prévalent dans l’équilibre politique du pays du Cèdre, c’est parce qu’elle correspond à un certain nombre de bouleversements géopolitiques régionaux qu’il convient de rappeler, à l’instar de la volonté plus ou moins inavouée de rééquilibrage communautaire des deux protagonistes, qui malgré leur différences apparentes ( sur la religion et les liens avec les puissances étrangères ) ont plus de points communs qu’on ne pourrait le penser ( issus de milieux modestes, expérience à la fois militaire et politique, charisme reconnu, volonté de lutter contre la corruption, soutien électoral provenant de classes moyennes ou défavorisées ).

Si Aoun et Nasrallah conviennent, sans toutefois le proclamer au grand jour, que l’action de l’administration américaine a pu paradoxalement apporter un certain nombre de développements positifs au plan local ou régional (pression sur la Syrie pour qu’elle retire ses troupes pour le premier, montée en puissance des chiites irakiens pour l’autre), ils restent néanmoins extrêmement inquiets des conséquences à long terme de l’héritage légué par Georges W. Bush, d’autant plus que s’ils ont plutôt bien accueilli l’élection d’Obama [11], ils connaissent la marge de manœuvre parfois limitée d’un Président américain [12] , et craignent qu’il ne soit victime de « l’effet Carter » [13] , malgré son extraordinaire charisme et brio intellectuel. CPL et Hezbollah considèrent que la politique menée par Washington a contribué à l’exacerbation des tensions communautaires et au renforcement d’un extrémisme sunnite de type jihadiste, comme l’a montré la situation irakienne, alors qu’il était quasiment absent de ce territoire avant son invasion, ce qui fait peser une menace mortelle sur les chiites, mais aussi sur les chrétiens, exécrés par le « courant benladeniste », tandis que les aounistes soulignent qu’ils préfèrent s’allier à des formations proches d’Etats qui ne sont certes pas des modèles, mais qui ont le mérite de respecter la liberté de croyance, alors que les sponsors de la majorité seraient plus que critiquables sur ce point [14].
Si l’avenir de l’Orient passe par un affrontement durable entre sunnites et chiites, alors ces derniers ne représentent pas un idéal, mais un moindre mal, puisque les minorités chrétiennes ne sont pas par principe mis à l’index par les imamites [15]ou leurs dissidences (alaouites), aussi bien en Irak, en Iran ou en Syrie, alors que cette tentation est forte chez les sunnites les plus fondamentalistes.

Parallèlement à ce péril commun, un autre élément déterminant est la montée en puissance de l’influence saoudienne au Liban, en particulier auprès de la communauté sunnite, alors que celle-ci a longtemps eu des affinités avec la Syrie (au moins jusqu’à l’accession d’un régime à dominante alaouite au début des années soixante-dix dans cet Etat majoritairement sunnite) ou l’Egypte, l’autre grande puissance sunnite régionale. L’arrivée sur le devant de la scène de Rafic Hariri et de sa formation (chef du gouvernement de 1992 à 2000, puis de 2000 à 2004) a modifié les équations traditionnelles, puisqu’il possède la nationalité saoudienne, et a désormais davantage orienté les sunnites libanais vers Ryad. Parallèlement, le Liban voit émerger des courants salafistes et même jihadistes puissants [16] , alors qu’ils étaient jusqu’ici quasiment absents. Certes, ils sont en partie le produit d’une modification des rapports de force au sein des camps palestiniens de plus en plus radicalisés à force d’attendre un hypothétique retour vers la mère patrie [17] , mais ils concernent désormais de plus en plus de nationaux. Pour leurs détracteurs, c’est l’influence saoudienne, et donc indirectement la famille Hariri (bien qu’elle ne s’affiche pas particulièrement comme fondamentaliste), qui seraient derrière cette évolution, puisque les wahhabites aurait la réputation de tenter de déployer une influence rigoriste conforme à leur doctrine partout où ils subventionnent généreusement mouvements politiques, projets socio-éducatifs à connotation religieuse [18].

De plus, promouvoir un pôle de radicalité islamique à tendance jihadiste pourrait favoriser l’émergence d’un groupe armé susceptible d’affronter le Hezbollah, alors que les accrochages récents entre les deux communautés et les leçons de la guerre civile, ont montré que c’était l’une des faiblesses congénitales des sunnites de ne pas disposer d’une force paramilitaire à la fois nombreuse et efficace.

Le paradoxe des sunnites libanais, c’est que si leur antiaméricanisme (notamment à cause de l’intervention de Washington en Irak ou leur soutien très fort à Israël) n’a rien à envier à celui de l’immense majorité des masses arabes, qui se confondent le plus souvent avec le courant majoritaire de l’islam, ils privilégient finalement les enjeux communautaires au delà de tous les autres. Le plus important à leurs yeux, c’est de faire contrepoids au chiisme, quitte à suivre les orientations de la Maison-Blanche, avec le risque de devenir les otages des groupes les plus fondamentalistes [19] , comme les salafistes [20] . Ainsi, la branche libanaise des « Frères musulmans », qui est proche de l’Iran en Palestine via le Hamas, ou dans une position de neutralité en Syrie, en Jordanie ou en Egypte, car elle ne veut pas faire le jeu des Américains en ostracisant les chiites et Téhéran, a-t-elle soutenu le Courant du futur pro-occidental ! Si les enjeux régionaux ont une influence certaine sur la vie politique nationale, sa composante interne ne saurait être sous-estimée, ce qui rend encore plus complexe toute lecture simplificatrice, si prisée par nombre d’analystes, prompts à distinguer deux camps homogènes, le pro-occidental et le pro-syrien [21] , alors que leurs contradictions internes sont parfois flagrantes.
A titre d’exemple, on voit difficilement en quoi les Frères musulmans ou les salafistes libanais qui détiennent en partie les clés des élections législatives seraient d’authentiques pro-occidentaux, pas plus que « les partisans du général » ne peuvent être identifiés totalement à des pro-syriens.

Autre argument stratégique, produit d’une réflexion prospective approfondie, c’est que si le CPL considère que le principe de la souveraineté libanaise n’est pas négociable (et c’est ce qui fait sa singularité au sein de l’opposition), il estime que le moment est venu de calmer le jeu avec la Syrie. Ils saluent la nomination récente d’un ambassadeur à Beyrouth, signe d’un réel aggiornamento de Damas qui reconnait pour la première fois et officiellement l’existence d’un Liban indépendant. Le CPL pense en outre qu’un autre risque majeur, serait de faire du Liban la tête de pont d’une déstabilisation du pouvoir damascène, ce qui explique notamment pourquoi ce dernier, au-delà d’un irrédentisme longtemps exprimé au grand jour, ait souhaité directement contrôler son turbulent voisin. A partir du moment où la Syrie est sortie du Liban, et dans un contexte régional qui a été en partie marqué par une stratégie d’instabilité constructive si chère aux néo-conservateurs, ce serait une folie que de donner l’impression que le pays du Cèdre adhère sans réserve à la politique américaine, à moins que les résultats de l’enquête du Tribunal spécial pour le Liban prouve qu’elle est derrière l’assassinat de Rafic Hariri ou les attentats souvent meurtriers ayant visés de nombreuses personnalités ( politiciens, journalistes ) en 2005 et 2006. De plus, si le régime syrien chute un jour, le Liban sera pris dans l’œil du cyclone, avec la possibilité d’une déferlante sunnite fondamentaliste. Dans cette hypothèse, il disposera d’un allié solide et redoutable avec le Hezbollah pour faire face aux éventuelles velléités expansionnistes et religieuses du nouveau pouvoir syrien, et cette préoccupation est probablement partagée par le parti de Dieu. De plus, les aounistes ont noté que les Iraniens se sont avérés être des alliés loyaux et solides par rapport aux Syriens au cours des trois dernières décennies, et ils peuvent espérer une attitude similaire de la part de la milice chiite.

Enfin, dernier pilier de l’alliance CPL-Hezbollah, la crainte d’une implantation durable des réfugiés Palestiniens au Liban. Si elle devait se réaliser, à cause du pourrissement du dossier palestinien, elle modifierait en profondeur les rapports de force démographique au détriment des trois autres communautés. C’est cependant une menace moins redoutable que les précédentes (montée de l’extrémisme sunnite et déstabilisation du voisin syrien), dans la mesure où il existe un consensus officiel sur le rejet de l’implantation palestinienne, acceptée d’ailleurs par ces derniers, mais elle ne peut être totalement écartée [22] . Plus le conflit israélo-palestinien semble sans issue, plus cette crainte s’accentue [23] , d’autant plus qu’elle se superpose au péril djihadiste sunnite, comme l’ont souligné les événements de Nahr el Bared, en 2007.
Ce partenariat a aussi des considérations moins stratégiques et plus opportunistes. Elle est le produit de deux frustrations, de la part de deux formations qui estiment qu’elles ont été trahies en 2005. Le Hezbollah, puisqu’il a contribué à la victoire électorale de la majorité en formant, contre toute attente et avec ses deux principaux blocs (Hariri et Joumblatt) et son partenaire Amal un accord quadripartite inattendu (censé diminuer les tensions), dans la mesure où « pro-occidentaux » et « pro-orientaux » s’étaient affrontés quelques semaines auparavant dans de gigantesques manifestations en faveur ou en opposition au retrait syrien. Mais la mise en place d’un Tribunal international chargé de juger les assassins de Rafic Hariri a mis le feu aux poudres, parce que dès le départ les chiites ont considéré qu’il avait déjà jugé et condamné la Syrie [24] . Suite à cela, les cinq ministres chiites, tous membres de l’opposition, ont décidé de boycotter le gouvernement, et ils n’ont pas été remplacés par des chiites de la majorité, ultra minoritaires comme l’ont confirmé les récentes élections [25] , ce qui aurait constitué une provocation supplémentaire pour le Hezbollah et Amal, qui a en l’espèce a contribué à un quasi blocage des institutions via son chef, Nabih Berri, également Président du Parlement. La majorité s’est trouvée confrontée à l’éternelle et quasi-impossible équation politique libanaise basée sur le confessionnalisme et un consensus fragile. A partir du moment où l’une des trois grandes communautés est fortement polarisée et décide massivement de se mettre politiquement en retrait, alors il existe un vide qui peut déboucher sur de graves confrontations. Imaginons que l’opposition ait remporté les élections et ait décidé de désigner à la majorité plus une voix à la Présidence du conseil un sunnite (plus qu’elle revient de droit à cette communauté) qui ne soit pas membre du Courant du futur (c’est pourquoi dans cette hypothèse avaient été envisagés des noms de modérés qui entretiennent des relations moins conflictuelles avec la Syrie) comme Nagib Mikati ou Tamam Salam, ou qui lui soit franchement hostile, il est presque certain que cela aurait entrainé une exaspération des partisans de la famille Hariri, susceptible de dégénérer en affrontements verbaux ou physiques. C’est d’ailleurs à cette quadrature du cercle que sera confronté le prochain gouvernement, ce qui l’amènera sans doute à inclure un tiers de ministres proches de l’opposition en son sein, sans que l’on sache d’ores et déjà s’ils disposeront d’un pouvoir de blocage sur les grandes décisions, comme cela avait été négocié à Doha en mai 2008.

Les aounistes de leur côté vouent aux gémonies la majorité depuis le départ, car elle n’a pas intégré de ministres issus de son bloc parlementaire à la hauteur de sa représentativité, en particulier chez les chrétiens où elle s’est révélée écrasante en 2005. Autre réflexion quasi subreptice, tant elle modifierait en profondeur la structure institutionnelle et constitutionnelle du pays, mais qui est une constante parmi les partisans de l’ancien commandant en chef de l’armée (puisqu’ils ont en fait depuis toujours une de leur revendication) et aussi chez une partie des chiites : la nécessaire prise en compte de la modification des constantes à la base de l’équilibre de Taëf qui là aussi n’aurait pas été respecté. Le compromis subtil et tacite sur lequel il a été laborieusement bâti en 1989 a été brisé par la majorité, et le retrait syrien en a été une des causes essentielle. De façon très synthétique, Taëf renforçait les sunnites, maintenus à la Présidence d’un Conseil désormais doté de pouvoirs élargis (tout en maintenant un équilibre entre chrétiens et musulmans au sein de celui-ci), les chiites conservaient la Présidence du Parlement, et pour compenser leur infériorité politique malgré leur poids démographique certain (sous représentation au sein d’une chambre à l’importance secondaire), ils se voyaient accorder une dérogation en préservant les armes de l’une de leur deux formations, le Hezbollah, dans le cadre de la lutte contre Israël, parallèlement à une présence syrienne renforcée, gage de protection pour les duodécimains. Les chrétiens, affaiblis démographiquement [26] et politiquement par leurs divisions, conservaient une surreprésentation parlementaire avec 50 % des sièges, et une Présidence de la République aux pouvoirs très amoindris (rôle d’arbitre, pouvoir de nomination étendu, mais prérogatives exécutives limitées) [27] .
La majorité, déjà accusé de trahison par l’opposition comme nous l’avons déjà souligné, aurait aggravé son cas en voulant début 2008 prendre le contrôle du réseau de télécommunications du Hezbollah, prélude à son démantèlement en tant que force armée, l’exposant à une attaque israélienne.
Cette provocation à la fois inutile et insensée de la majorité ( à moins qu’elle n’ait eu pour objectif de pousser le Hezbollah à la faute), associée à l’exaspération des chiites, issue du blocage des institutions, a amené ces derniers à réagir spectaculairement en prenant le contrôle pendant quelques heures des quartiers sunnites de Beyrouth-Ouest et de certaines zones druzes dans la montagne, en rompant avec le principe bien établi que le Hezbollah, à l’avant-garde de ce coup de force, ne retournerait jamais ses armes contre d’autres libanais, et plus particulièrement d’autres communautés [28] ( même si le nombre de victimes a été finalement très limité ). Si cela a permis paradoxalement de déboucher sur le compromis de Doha le même mois, avec l’élection d’un homme neutre à la Présidence de la République et la nomination d’un tiers de ministres issus de l’opposition au sein du gouvernement avec une minorité de blocage, cela a eu pour conséquence d’accroitre le ressentiment sunnite contre les chiites et a achevé de convaincre une partie des chrétiens que c’était une formation dangereuse et à vocation hégémonique [29] . Tant que la majorité n’aura pas réglé ses contradictions, alors les tensions resteront fortes avec les chiites, puisqu’elle ne peut à la fois exiger le désarmement du Hezbollah sans compensation institutionnelle, alors que diverses solutions existent à cet égard : présidence tournante (avec quasi concomitance des élections législatives et présidentielles), augmentation du nombre de députés chiites et de ministres par exemple.

Mais l’alliance Aoun-Nasrallah souhaite peut-être à terme aller plus loin, et renforcer le rôle respectif des chrétiens et des chiites ( au cas où se poserait un jour la question du désarmement du Hezbollah ) puisqu’il n’existe aucune raison objective pour que les sunnites qui ne sont qu’un des trois grand bloc communautaires continuent à disposer de l’essentiel du pouvoir via la Présidence du conseil, alors que la Syrie, qui était une garantie supplémentaire de stabilité pour les chiites, n’est plus présente et que se profile à plus pu moins longue échéance la disparition de l’arsenal du Hezbollah, que certains considère comme anachronique depuis le retrait de l’Etat juif de 2000, alors que le parti de Dieu l’estime au contraire nécessaire puisque les « fermes de Chebaa » n’ont toujours pas été libérées et que persiste une menace israélienne comme l’a montré la guerre de 2006 ou les nombreuses et récentes arrestations de réseau d’espionnages favorables à Tel-Aviv. Quant au CPL, il espère, dans le cadre de cette nouvelle configuration, obtenir à moyen terme une révision ou une redéfinition de Taëf, avec un rôle plus important pour les chrétiens, à travers la revalorisation des attributions la Présidence de la République. Mais il est alors peu probable que les sunnites acceptent le maintien d’une surreprésentation chrétienne au Parlement, et il faudra probablement revenir sur ce dispositif généreux, ce qui est critiqué par les adversaires du CPL. Pour ce dernier, ces notables ne pensent qu’à leurs prébendes et ne saisissent pas que le vrai pouvoir doit se situer à Baabda et que les chrétiens resteront les otages de groupes sunnites ou druzes, avec une influence limitée s’ils restent plus accrochés à leur sièges qu’à l’exercice de vraies responsabilités. Quel que soit l’avenir de ces calculs, ils seront délicats à réaliser, car les parrains sunnites régionaux accepteront difficilement une remise en cause des accords de Taëf.
Des incertitudes persistent néanmoins sur la pérennité de cette alliance, notamment parce que le CPL est porté par son chef et fondateur incontesté, Michel Aoun, qui même s’il ne fait pas son âge a déjà 75 ans. Certes, le Patriarche maronite, Boutros Nasrallah Sfeir semble en bonne forme et est très actif, malgré ses 89 ans et l’ancien Président Camille Chamoun a joué un rôle politique de premier plan jusqu’à 87 ans [30] , mais que passera-t-il lorsqu’il ne sera plus à la tête du mouvement ? Ses orientations politiques seront-elles maintenues et conservera-t-il toujours la même influence ? Déjà certains annoncent une future guerre au sommet entre son gendre Gebran Bassil partisan du maintien d’une alliance privilégiée avec le Hezbollah et son neveu Alain Aoun plus modéré (aucune des trois filles de l’ancien exilé n’a souhaité ou pu reprendre le flambeau politique familial). L’un des problèmes constants de la vie politique libanaise c’est que les formations politiques sont surtout construites autour d’un chef omnipotent sinon omniscient, et que souvent, elles s’effondrent ou se divisent lorsque leur « zaïm » disparait (Parti national libéral de Camille Chamoun, Phalangistes de Pierre Gemayel, Bloc national de Raymond Eddé, Parti Waad d’Elie Hobeika …) [31] . En revanche, le retrait d’Hassan Nasrallah ne devrait pas bouleverser en profondeur le message et la puissance de son mouvement, dans la mesure où ce dernier a su parfaitement se remettre de l’élimination de son fondateur (Abbas Moussaoui), à l’instar de leur parrain iranien qui a pu surmonter sans difficultés majeures la mort du charismatique Khomeyni. Quand au programme politique, il est, là aussi, à l’image de ce qui prévaut plus ou moins à Téhéran, le fruit d’un consensus, et il est peu probable qu’il soit entièrement modifié par l’arrivée d’un nouveau dirigeant, si bien évidemment la majorité des membres du « Majlis Choura » continue à privilégier l’option d’une alliance avec les chrétiens dans un contexte de tension accentué avec les sunnites aussi bien au niveau local, régional, qu’international [32] .

En conclusion, l’accord politique noué depuis février 2006 entre les deux mouvements les plus représentatifs au sein de leur communauté, malgré leur récent revers électoral, a tenu bon non seulement au cours des récentes législatives, mais aussi à d’autres moments de fortes tensions qui ont impliqué le Hezbollah (guerre de 2006 [33] , coup de force de 2008). Pour l’instant tout incite leurs dirigeants à maintenir leur partenariat, en opérant une révolution en profondeur dans leurs camps respectifs. Aoun estime que les chrétiens doivent désormais choisir pour alliés des musulmans qui ne leur sont pas hostile par principe et avec lesquels ils partagent des préoccupations sinon des menaces communes, en « s’orientalisant » ou se « réorientalisant » [34] car l’Occident a prouvé au cours de ces dernières décennies qu’il ne se préoccupait que très peu de leur sort, sauf pour leur proposer de quitter le pays ( ce qui ne peut que satisfaire les partisans du choc des civilisations ), alors que leurs ancêtres furent les premiers au monde à témoigner du message du Christ, privilège qu’ils ont pour vocation à maintenir. Quand au Hezbollah, il admet peu à peu que des chrétiens sont pour lui des partenaires plus fiables que ceux qui sont en principe leurs « frères en religion ». Chacun des deux a fait ainsi un pas vers l’autre, en renonçant à ses stratégies traditionnelles, avec l’ambition de modifier en leur faveur les déséquilibres existants au plan politico-institutionnel , et la volonté d’abandonner toute instrumentalisation des peurs qui a provoqué tant de malheurs au pays du Cèdre, mais que de nombreux politiciens continuerait à alimenter pour mieux asseoir leur pouvoir [35].

[1Qui ne serait cependant pas majoritaire en voix, si l’on en croit le quotidien indépendant anglophone Daily Star, « Nasrallah is walking a think line when it comes to Lebanese elections », 10 juin 2009. Ce point, s’il est confirmé, ne pourra que susciter des tensions dans la formation du gouvernement.

[2La troisième force principale est l’autre mouvement chiite, Amal, dirigé depuis près de 30 ans par l’inamovible Président du Parlement, Nabih Berri, qui fut le bras droit du véritable fondateur du chiisme politique, l’Imam Moussa Sadr, mystérieusement disparu en 1978 lors d’un voyage en Libye. S’il partage l’essentiel des positions de son allié-rival du Hezbollah qui l’a largement supplanté en terme de représentativité chez les duodécimains, il incarne une image moins radicale, et plus présentable du chiisme politique, dans la mesure où il est plus enclin à jouer le jeu des institutions, est davantage tourné vers la Syrie que l’Iran, et moins religieux. Les autres alliés sont de petites formations pro-syriennes et multiconfessionnelles (PSNS, Parti Baath), les druzes du Parti démocratique de l’Emir Talal Arslane (rival de Walid Joumblatt) ou d’autres mouvements chrétiens (Tachnag, premier représentant de la communauté arménienne, Maradas de Sleimane Frangié au Nord).

[3Certains analystes politiques estiment même que la Syrie, en accord avec le Hezbollah n’aurait pas pleinement joué le jeu en ne mobilisant pas tous les naturalisés libanais résidant sur son sol, attitude contrastant avec l’activisme de la majorité. En n’assumant pas pleinement ses responsabilités, le Hezbollah aurait voulu envoyer un signal positif à la communauté internationale, actuellement en pleine phase d’ouverture, tout en diminuant les menaces potentielles de déstabilisation pesant aussi bien sur le Liban que sur l’axe syro-iranien, ces protagonistes ayant été en cas de victoire dans la ligne de mire des Etats-Unis et de ses alliés , aussi bien stratégiquement que financièrement.

Cela aurait aussi contraint le Hezbollah à s’impliquer davantage dans la gestion des affaires de l’Etat, dont il reste assez éloigné jusqu’ici (confiant plutôt ce rôle à Amal) au risque d’y perdre une partie de son aura. Face à la gestion quotidienne et aux pesanteurs, une posture tribunicienne devient plus délicate, ce qui ne signifie pas qu’il n’aura pas éventuellement quelques ministres au gouvernement, plutôt pour surveiller l’adversaire que pour s’impliquer véritablement.

[4Dans un ouvrage très « gaullien » où il s’explique sur sa stratégie politique, son retour et ses ambitions pour le Liban, Aoun souligne qu’il a souhaité détruire le mur de méfiance qui s’est progressivement érigé entre le Hezbollah et de nombreux libanais, et qu’il a déjà obtenu un certain nombre de résultats , puisque le mouvement chiite ne revendique plus officiellement la libération de la Palestine ou de Jérusalem, ce qui signifierait que sa « libanisation » progressive est en passe de réussir ; voir Général AOUN, Une certaine vision du Liban ( entretiens avec Frédéric Domont ), Paris, Fayard, 2007, p. 111.

[5Nous reprenons la terminologie proposée par Gilles Kepel ; voir « Les fractures du Levant », Le Monde, 7 juin 2009. Aoun a en partie contribué à cette situation en imposant à Doha, lors de l’accord signé en mai 2008 davantage de circonscriptions homogènes, tout en maintenant celles ayant un caractère mixte, ce qui doit permettre aux chrétiens de voter plus librement pour leurs coreligionnaires, sans « pressions » des musulmans. Cependant, ce mécanisme s’est en partie retourné contre lui puisque là où ce nouveau système a été imposé, comme dans la première circonscription de Beyrouth, la totalité de la liste (chrétienne) a préféré la majorité !

[6Celui-ci, qui n’est composé que d’une seule chambre, compte 128 membres, à parité entre chrétiens et musulmans. Le Courant du futur, dominant et à majorité sunnite compte une trentaine de députés, les aounistes une dizaine de moins.
Les trois autres groupes parlementaires les plus représentatifs sont emmenés par le Hezbollah, Amal, et le PSP de Walid Joumblatt avec environ une douzaine de membres chacun. Quant aux estimations relatives au poids démographique de chaque communauté, sujet tabou, les plus objectives donnent environ 25% pour les sunnites (hors Palestiniens), 35 à 40 % pour les chrétiens, autant pour les chiites, et 5% pour les druzes. Mais elles sont à relativiser avec le potentiel issu de la diaspora.

[7L’existence de leaders chrétiens influents, mais non-maronites, est moins problématique pour tous ceux qui ne veulent pas voir ces communautés religieuses prendre ou reprendre une place privilégiée dans la vie politique libanaise.
En effet, les Maronites, catholiques de rite oriental, qui représentent environ les deux tiers des chrétiens se voient attribuer les trois postes majeurs qui leur reviennent traditionnellement : direction de la Banque centrale, direction de l’armée, et surtout Présidence la république, moins influente que par le passé mais toujours prestigieuse. Dès lors, un orthodoxe, un grec-catholique, ou un arménien ne représente qu’un risque limité pour toux ceux qui s’opposent à l’existence ce courant chrétien fort.

[8De plus, la famille de Michel Aoun est originaire de Jezzine, bien qu’il soit né dans un faubourg de Beyrouth, peuplé aujourd’hui de chiites ( Hareth Hreik ), autre élément de convergence avec ces derniers.

[9Béatrice PATRIE et Emmanuel ESPANOL, « Le Liban en péril », Maghreb-Machrek, n°192, été 2007, p. 13 ; voir aussi des mêmes auteurs, Qui veut détruire le Liban ?, Paris, Actes Sud, 2007.

[10Aoun considère également qu’il a contribué à déjouer les projets des néo-conservateurs et de leurs alliés dans la mesure où il serait en partie à l’origine de la non résurgence du pire danger menaçant le Liban, la guerre civile. En effet, son alliance a été officiellement scellée avec le Hezbollah en février 2006, et juillet 2006 voyait surgir un l’affrontement spectaculaire entre Israël et le « parti de Dieu ».
Or, le CPL s’est refusé à entrer dans un jeu dangereux stigmatisant les chiites puisqu’il n’avait pas été clairement établi que le Hezbollah était à l’origine du conflit, et qu’ainsi, les plans visant à isoler les duodécimains vis-à-vis des autre communautés, pour favoriser leur radicalisation, avaient échoué.

[11Ce dernier n’a jamais caché qu’il était prêt à ouvrir le dialogue avec l’Iran, et à le maintenir avec la Syrie, même s’il a encouragé fortement la victoire de la majorité aux élections, notamment par la visite de Joe Biden, son vice-président, qui a fait comprendre aux Libanais que l’aide américaine pourrait diminuer en cas de victoire de l’opposition, ce qui aurait été un des éléments à l’origine de sa défaite pour cette dernière. Obama n’est en tout cas pas rancunier, car la majorité, au moins au niveau de ses dirigeants, penchait plutôt pour John Mc Cain, favorable à une position très ferme par rapport à l’Iran, qui constitue pour nombre de sunnites, mais aussi de chrétiens la menace principale au Proche et au Moyen-Orient.

[12Le poids du congrès est essentiel, en particulier en politique étrangère, et si Obama perd les élections intermédiaires, il risque d’avoir beaucoup moins d’influence sur ce plan. Ainsi, Georges W. Bush a du se résigner après son revers électoral de fin 2006 à nommer Robert Gates au Pentagone (plutôt proche des démocrates) et à accepter l’ouverture vers la Syrie, initiée par la démocrate Nancy Pelosi, à la tête de la chambre des représentants. S’y ajoutent des constantes historiques comme le soutien très fort à Israël, allié stratégique et politique, et si Obama tente un rééquilibrage en faveur des Palestiniens, qui n’ont que peu d’amis à Washington, il prendra des risques considérables.

[13Non réélu à l’issue de son mandat, alors qu’il avait contribué au succès des accords de Camp David, et où toute sa bonne et sincère volonté n’a pas permis de résoudre le nœud gordien du conflit israélo-arabe, le dossier palestinien.

[14En Arabie Saoudite, aucune autre religion n’est acceptée, et les « musulmans dissident » comme les chiites n’ont pas une situation particulièrement enviable, puisqu’ils sont tout juste tolérés. En Egypte, l’autre grande puissance sunnite, les chrétiens qui représentent environ 10% de la population ne sont pas à proprement parler persécutés, mais ils sont soumis à des pressions ou à des intimidations de la part des fondamentalistes.

A l’inverse, la Syrie, elle même en partie dirigée par une dissidence du chiisme, lui-même dissidence de l’islam majoritaire sunnite est très protectrice des autres minorités, religieuses ou ethniques, avec lesquelles elle forme une alliance implicite (chrétiens, druzes, ismaéliens, voire kurdes). Enfin, en Iran, chrétiens et juifs, s’ils ne peuvent pratiquer le prosélytisme, et sont en partie surveillés par crainte d’une éventuelle instrumentalisation par l’Occident et Israël, sont largement respectés par le pouvoir chiite.

[15Autre nom parfois utilisé pour désigner les chiites.

[16Gary GAMBILL, “Salafi-Jihadism in Lebanon”, Mideast Monitor, Vol. 3, n°1, January-March 2008.

[17Bernard ROUGIER, « Dynamiques religieuse et identité nationale dans les camps de réfugiés palestiniens du Liban », Maghreb-Machrek, n°176, été 2003, p. 35-60.

[18Sur ce point, voir notamment Antoine BASBOUS, L ’Arabie Saoudite en question, Paris, Perrin, 2002.

[19Des médias se sont interrogés sur la possibilité que les insurgés extrémistes du camp palestinien de Nahr el Bared ( pas tous palestiniens au demeurant ) n’aient pas été suffisamment rétribués pour leurs projets de constitutions de milices pouvant faire contrepoids au Hezbollah, et, qu’en colère ils auraient alors décidé de passer à l’attaque pour récupérer ce qui leur avait été promis (Le Figaro, 14/10/2007).

[20Il existe certes une partie de la communauté hostile à une telle schizophrénie (alignement à la fois sur les américains et les fondamentalistes), mais elle ne représente qu’un quart des sunnites et ne dispose pas des gigantesques moyens financiers de ses rivaux, avec des quantités presque illimitées des pétrodollars. Le Qatar, émirat sunnite et même wahhabite, semble aller à contre courant de cette tendance et peut représenter l’exemple intéressant d’un Etat non aligné, ne reniant en rien ses valeurs religieuses, mais ouverte au dialogue aussi bien avec le tandem syro-iranien qu’avec les occidentaux qu’il accueille dans le cadre d’accords militaires ou le tourisme culturel.

[21Appelés également du « 14 mars » et du « 8 mars », en référence aux manifestations géantes qui avaient eu lieu à Beyrouth en 2005 suite à l’assassinat de Rafic Hariri, et demandant le retrait ou le maintien des forces syriennes. Le problème c’est que si Aoun considère qu’il n’appartient plus au 14 mars (sans regretter toutefois son attitude à l’époque), il ne s’estime pas pour autant du camp du 8 mars.

[22Georges Corm rappelle que Rafic Hariri avait fait quelques tentatives en ce sens, mais sans succès ; voir Le Liban contemporain, Paris, La Découverte, 2005, p. 276.

[23Gary GAMBILL, “Washington and the Future of Palestinian Refugees in Lebanon”, Mideast Monitor, Vol. 3, n°3, December 2008. ( www.mideastmonitor.org ).

[24La récente libération de quatre généraux (chrétiens et musulmans), réputés pro-syriens, et détenus depuis plusieurs années sans procès, pour manque de preuves, sans toutefois être déclarés innocents, ainsi que la reconnaissance d’une non implication possible de la Syrie, a été salué par le Hezbollah et ses alliés comme la preuve que ce Tribunal est depuis le départ manipulé.
Peu après ce rebondissement, et de façon très opportune avant la tenue des élections (autre élément qui a pu contribuer à la victoire de la majorité), un article du journal allemand Der Spiegel, prétendant tenir ses sources de proches du Tribunal, a affirmé que c’était le Hezbollah qui était derrière l’attentat

[25C’est chez les chiites que la polarisation est la plus forte avec près de 90% des voix en faveur de l’opposition, contre 75% de voix sunnites et druzes pour la majorité, et un équilibre presque parfait entre les deux mouvances pour les chrétiens, comme nous l’avons précédemment souligné.

[26A cause d’une fécondité plus faible et d’exilés plus nombreux.

[27Ce que ne manque de rappeler Aoun dans son livre-entretien, tout en rappelant que les sunnites ont dévoyé « l’esprit de Taëf » en exerçant le pouvoir de façon hégémonique, sans véritablement tenir compte des autres représentations confessionnelles au sein du gouvernement, sauf lorsqu’elles leur sont totalement inféodées (Une certaine idée du Liban, op.cit.,pp. 142-143 ).

[28Puisqu’il y a eu des affrontements très violents entre Amal et Hezbollah pendant la guerre civile libanaise, malgré de nombreuses médiations syro-iraniennes, le plus souvet infructueuses.

[29Le CPL est resté neutre pendant cette opération qui n’a pas concerné de zones chrétiennes, bien que le Hezbollah ait été appuyé par des éléments du PSNS, petite formation multiconfessionnelle pro-syrienne. En revanche, Hassan Nasrallah aurait maladroitement rappelé l’impact positif des événements du 7 mai 2008 avant les élections, ce qui aurait affaibli les sunnites ou les druzes proches de sa formation.

[30Ce qui permet aux partisans d’Aoun de maintenir l’espoir de son accession à la Présidence de la République, à la fin du mandat de l’actuel locataire du palais de Baabda, Michel Sleimane, qui ne peut en principe se représenter d’après la Constitution (sauf circonstances exceptionnelles).

[31En revanche les Maradas du clan Frangié ont résisté à la mort de leurs fondateurs ( l’ancien Président Sleiman Frangié et son fils Tony ), tout comme le Courant du futur à celle de Rafic Hariri, et de façon plus surprenante le PSP du druze Kamal Joumblatt, aujourd’hui sous la férule de son fils Walid, à qui l’on donnait peu de chances au départ.

[32Ainsi, les tensions entre sunnites et chiites sont très vives en Afghanistan et surtout au Pakistan (même si elles sont parfois antérieures à la crise irakienne) et ces Etats ne sont pas considérés comme faisant partie du Moyen-Orient par tous les analystes.

[33Des chrétiens, et en particulier ceux du CPL ont accueilli des réfugiés chiites, souvent partisans du Hezbollah, ayant fui leurs maisons suite aux bombardements de l’armée israélienne.

[34Voir sur ce point les analyses de Joseph FADDOUL, « La difficile mais nécessaire arabité des maronites », Maghreb-Machrek, n° 192, été 2007, pp. 71-85 et de Richard LABEVIERE, La tuerie d’Ehden (ou la malédiction des Arabes chrétiens), Paris, Fayard, 2009, pp. 333-350. L’identité orientale des chrétiens du Liban était auparavant assez prononcée (en particulier chez les communautés non-catholiques) en empruntant les voies du nationalisme arabe classique, du baathisme ou du syrianisme, mais ces derniers modèles ayant échoué, elle a perdu de sa vigueur. Les évolutions géopolitiques régionales récentes sont donc de nature à modifier cette tendance, et à lui donner une ampleur inconnue jusqu’alors, surtout si les maronites adhèrent à cette perspective, ce qui ne signifie pas qu’ils renoncent toutefois à leurs liens avec le Vatican.

[35Général AOUN, Une certaine vision du Liban, op.cit.,p. 148.