La Corée du Nord : nouvelle étape vers le statut d’État nucléaire

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Ce 12 février 2013, la Corée du Nord a donc précédé à sa troisième expérimentation nucléaire, faisant suite aux tentatives de 2006 et 2009. Trahissant l’explosion souterraine de forte puissance, une violente secousse a été detectée par les sismographes, à 3 H 57 du matin, heure française, (11 H 57, heure locale). Annonçant son projet dès le 24 janvier, la Corée du Nord démontre ainsi la maîtrise de ses scientifiques et ingénieurs. Pour le conseil de sécurité de l’Onu, l’essai de ce 12 février est une “menace claire pour la paix et la sécurité internationale”.

Le troisième essai de Punggye-ri

Si l’on en croit l’OTICE, l’organisme de l’AIEA à Vienne en charge de la surveillance du respect de l’interdiction des essais nucléaires, une secousse a bien été détectée et localisée sur le site d’essais de Punggye-ri, au nord-est du pays. Elle s’élève à 5,1 sur l’échelle de Richter d’après l’US Geographical Survey. Un troisième tunnel avait d’ailleurs été repéré par les images satellites. Les caractéristiques de la secousse permettent de la distinguer nettement d’un trembrement de terre. On se souvient que la France avait eu des doutes sur le caractère nucléaire des deux premiers essais, ceux du 9 octobre 2006 et du 25 mai 2009, au regard de la faible puissance dégagée. Mais cette fois-ci, l’expérience a bien été concluante. L’engin aurait atteint une puissance de 5 Kt (6 à 7 selon la Corée-du-Sud). Techniquement, les ingénieurs nord-coréens ont donc réussi à fabriquer un engin nucléaire à la puissance significative (ce serait tout de même alors la moitié de la puissance de l’arme d’Hiroshima), sans doute avec du plutonium extrait de la centrale de Yongbyon.

Le communiqué de François Hollande confirme le nouveau statut de la Corée du nord : “ Je condamne avec la plus grande fermeté l’essai nucléaire auquel vient de procéder la Corée du Nord. La France exhorte de nouveau la Corée du Nord à se conformer sans délai à ses obligations internationales et à procéder à un démantèlement complet, vérifiable et irréversible de ses programmes nucléaire et balistique. La France appuiera une action ferme au Conseil de sécurité des Nations Unies et travaille en ce sens avec ses partenaires.”

Capacités balistiques

Incidemment, le test de février 2013 valorise la démonstration des capacités balistiques nord-coréennes puisqu’il a lieu quelques semaines après le tir réussi de la fusée spatiale Unha-3 en décembre 2012. L’engin affiche en effet aussi les performances d’un missile intercontinental. En revanche, l’essai nucléaire du 12 février ne démontre pas que la Corée du Nord dispose encore d’une arme opérationnelle. La prochaine étape pourrait donc bien être celle de la militarisation des charges nucléaires pour les intégrer à bord d’un missile balistique à courte, moyenne, ou longue porté. A ce jour, pour porter une charge nucléaire, le pays pourrait faire appel aux engins Nodong (1000 à 3000 km) ou Taepodong (estimé pour une portée de plus de 6000 km), voir à un dérivé de l’Unha-3, pour sa capacité intercontinentale.
Le défi technique de la militarisation est toutefois considérable imposant alors la miniaturisation et la fiabilisation de la charge. Celle-ci doit en effet rester opérationnel, compte tenu de toutes les contraintes physiques subies par un missile évoluant dans l’espace. L’intégration est plus simple pour un missile de croisière, mais la porté est bien moindre (quelques centaines de km).

La militarisation de la charge nord-coréenne est donc bien la prochaine étape à franchir : un autre défi pour la stabilité de la région, car la militarisation d’une charge peut imposer la conduire d’autres essais (nucléaires, missiles). Ce nouveau statut transformerait alors les politiques de défense des pays de la région, voir inviterait le Japon ou la Corée du Sud à décider eux aussi à se doter aussi de l’arme nucléaire. Aux résultat, l’Asie du Sud deviendrait la région celle qui concentrerait alors le plus grand nombre de pays nucléarisés, en incluant la Russie et les États-Unis.

Impact géopolitique

L’essai confirme bien la volonté de Pyongyang de s’afficher comme puissance nucléaire, quitte à froisser les grandes puissances du TNP, et notamment l’allié chinois. Il illustre aussi la volonté de Kim-Jung Un, troisième d’une dynastie stalinienne unique au monde, de s’affirmer comme l’homme fort d’un pays reclus, vivant hors de la communauté internationale, et notamment hors du TNP depuis son retrait unilatéral en 2003.

Cette événement invite donc directement la Chine à hisser à un niveau supérieur les ambitions de sa politique extérieure, en imposant, si elle en a encore le pouvoir, à Pyongyang le démantèlement définitif de son programme nucléaire militaire. La tâche sera rude compte tenu des politiques de puissance déployées dans la région. Les pressions économiques, on le sait n’ont que peu d’effets – on l’a vu avec l’Irak de Saddam Hussein - surtout que la Chine, qui fournit 80 % du carburant et la moitié des ressources alimentaires de la Corée du Nord, ne souhaite pas non plus l’effondrement de son voisin.

En fait, à la mesure des progrès observés, l’espoir d’une dénucléarisation unilatérale de la Corée du Nord s’éloigne dans la situation actuelle de division des deux Corée. On imagine mal Pyongyang désormais renoncer à un programme nucléaire qui fait sa fierté. La rhétorique agressive qui a accompagné l’essai ne va pas non plus dans ce sens. Il est d’usage de citer l’exemple de l’Afrique du Sud, le seul État à avoir démantelé sa force nucléaire, et ses infrastructures associées à la fin des années 80, comme suite à la fin du régime d’apartheid, après avoir fabriqué six à sept bombes. Peu de chance que ce scénario idéal ne se reproduise en Corée, sauf à imaginer un changement dans la nature du régime de Pyongyang et une réforme économique à la chinoise.

En attendant, consolidation des programmes d’armement et accélération de la course aux armements sont les autres conséquences de cet événement. L’essai du 12 février associé au tir réussi de l’Unha-3 justifient plus encore la poursuite des efforts des États-Unis dans les systèmes de défense anti-missiles balistiques, avec des conséquences directes sur l’Alliance Atlantique, l’Europe et, au final, la relation avec la Russie.