Prolifération au Moyen Orient - Le point de vue israélien

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Compte rendu de la table ronde organisée auprès de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale sur le thème de la prolifération le 9 février 2005.

Avec la participation de M. Jérémy Issacharoff, directeur général adjoint pour les affaires stratégiques au ministère israélien des affaires étrangères.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu, sur le thème de la prolifération, M. Jérémy Issacharoff, directeur général adjoint pour les affaires stratégiques au ministère israélien des affaires étrangères, avec la participation de M. François Géré, directeur de l’institut français d’analyse stratégique.

Le président Guy Teissier a salué la présence de M. Nissim Zvili, ambassadeur d’Israël en France, et de M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères, et rappelé que cette table ronde se tenait au lendemain d’une rencontre historique entre Palestiniens et Israéliens à Charm el-Cheikh, dont on peut espérer qu’elle soit un présage de paix dans une région du monde que la France observe avec une bienveillante attention.

Il a remercié M. Jérémy Issacharoff, directeur général adjoint pour les affaires stratégiques au ministère israélien des affaires étrangères, d’avoir répondu à l’invitation de la commission. Sa présence est d’autant plus significative que la commission a reçu, trois semaines auparavant, une délégation iranienne invitée à s’exprimer sur le même thème, et qu’il est très utile à la représentation nationale de connaître le point de vue d’Israël sur la prolifération nucléaire au Proche-Orient. On ne pouvait imaginer que se tienne une audition de la partie iranienne sans que la commission entende les représentants d’Israël. Le ministre de la défense israélien, M. Shaul Mofaz, reçu il y a quelques jours par la commission, a déjà fait part de son point de vue.

Il n’est pas inutile de rappeler d’emblée la situation d’Israël, qui vit dans un environnement hostile : son existence même n’est pas reconnue par la majorité des Etats du Proche-Orient ; son absence de profondeur stratégique le rend très vulnérable à une attaque conventionnelle et laisse aux responsables israéliens un temps de réaction extrêmement bref ; enfin, la situation démographique place Israël dans une position d’infériorité stratégique chronique. Face à l’ensemble de ces menaces, Israël a décidé très tôt de s’engager dans un programme nucléaire militaire. La deuxième moitié des années 1950 a d’ailleurs été caractérisée par une coopération scientifique et technique franco-israélienne extrêmement étroite dans ce domaine, qui a notamment permis la construction d’installations à Dimona. Il semble que ce programme ait abouti à la mise au point de premières armes nucléaires juste avant la guerre des Six-Jours, et donc avant la conclusion du traité de non-prolifération (TNP) en 1968, traité qu’Israël n’a ni signé, ni ratifié. La place d’Israël dans le paysage nucléaire militaire mondial est donc des plus singulières, puisque, de par l’ancienneté de son programme, cet Etat possède une partie des caractéristiques d’un Etat doté d’armes nucléaires au sens du TNP, sauf qu’il n’est pas partie prenante de ce dernier.

Les capacités nucléaires militaires actuelles d’Israël sont opaques, les estimations allant de 75 à 200 têtes nucléaires. Il déploie deux systèmes balistiques à capacité nucléaire, les Jericho I et II. Parmi les développements récents, on notera d’une part la poursuite d’un programme de défense antimissile très avancé, destiné principalement à contrer la menace syrienne ; d’autre part, certaines informations font état de l’acquisition d’une capacité de frappe en second à partir de sous-marins à propulsion classique.

Cette opacité correspond à une politique d’ambiguïté nucléaire formulée dès 1961 par Shimon Peres, alors adjoint du Premier ministre David Ben Gourion, quand il déclara qu’ « Israël ne serait pas le premier pays à introduire l’arme nucléaire au Proche-Orient ». Depuis lors, cette position a été tenue par tous les gouvernements israéliens. Elle a été confortée par le monopole nucléaire de fait dont a bénéficié Israël au Proche-Orient, mais est aujourd’hui confrontée à l’érosion progressive de ce même monopole.

Si la destruction en 1981 du réacteur de recherche Osirak a retardé le phénomène, les missions d’inspection menées en Irak après la première guerre du Golfe ont montré l’ampleur du programme nucléaire clandestin de ce dernier Etat. L’accession du Pakistan à l’arme nucléaire et l’existence d’un réseau structuré de trafic de technologies nucléaires accroissent les risques, comme en témoigne la mise à jour du programme clandestin libyen, heureusement démantelé. Enfin, et surtout, le programme nucléaire iranien focalise l’attention.

Lors de la précédente réunion, les invités iraniens ont insisté sur le caractère civil de leur programme nucléaire et sur les résultats des inspections réalisées par l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). A vrai dire, les membres de la commission n’ont pas été surpris outre mesure par ce discours et cette manière de présenter les faits. Il reste que les inquiétudes, pour ne pas dire plus, demeurent. Elles tiennent en particulier à l’ampleur du programme, à son caractère longtemps clandestin et à la volonté affirmée des Iraniens de maîtriser l’ensemble du cycle d’enrichissement du combustible. Il serait bien entendu intéressant de connaître l’analyse israélienne sur le sujet, de même que l’appréciation de M. Jérémy Issacharoff sur le processus diplomatique mené par la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne pour le compte de l’Union européenne, ainsi que sur ses chances de succès et sur les conséquences éventuelles d’un échec de cette démarche pour l’ensemble du Proche-Orient.

Le Proche-Orient est le point central du phénomène de prolifération et l’objet de toutes les attentions et inquiétudes. Par-delà la question iranienne, il apparaît que des initiatives sont nécessaires pour mettre fin à un engrenage dangereux. Aussi, est-il souhaitable que la commission puisse être éclairée sur les positions israéliennes sur la question de l’établissement d’une zone dépourvue de toutes armes de destruction massive dans cette région.

M. François Géré a souligné que si la situation actuelle mérite d’être qualifiée, selon l’expression consacrée, de « tournant de l’histoire », l’histoire peut tourner bien comme elle peut tourner mal. Bien des négociations au Proche et au Moyen-Orient ont été suivies de désillusions. Il convient de rester cependant délibérément optimiste. Après quatre ans d’une guerre qui n’a pas toujours dit son nom, un calme sérieux est revenu, tant en Israël que dans les territoires palestiniens. On peut espérer que la négociation qui va s’engager aboutisse.

La diplomatie américaine a changé de ton à l’égard des Européens. Elle entend les associer à la construction d’un processus de paix durable au Proche et au Moyen-Orient. Dans ce contexte nouveau, incontestablement plus favorable, il convient de considérer sérieusement les positions des uns et des autres. La commission a reçu il y a quelques semaines une importante délégation iranienne. En dépit des divergences et des défiances, qui restent encore considérables, les circonstances actuelles devraient créer les conditions d’une association des Etats-Unis au dialogue entamé avec l’Iran par les ministres des affaires étrangères français, allemand et britannique. Il ne s’agit pas de procéder à un replâtrage ici pour que survienne une crise là-bas. Le monde occidental, et particulièrement l’Europe, a besoin d’un Moyen-Orient stabilisé. C’est seulement dans ce contexte qu’il sera possible d’en finir avec ce qui reste une menace majeure : un terrorisme transnational toujours actif, dont les principaux dirigeants n’ont pas été mis hors d’état de nuire.

Avant de céder la parole à M. Jérémy Issacharoff, il a rappelé que la carrière de ce dernier était fortement centrée autour des questions de désarmement, que ce soit dans le cadre des Nations unies ou dans les fonctions qu’il a exercées à Washington entre 1993 et 1998 en tant que ministre conseiller pour les affaires politiques.

M. Jérémy Issacharoff a estimé que l’optimisme qui marque ce début d’année 2005 est modeste, mais il va croissant. Cette année est déjà considérée comme celle d’une occasion historique, en particulier dans le contexte israélo-palestinien, comme l’a fortement illustré la rencontre tenue la veille à Charm el-Cheikh. Reste à savoir si cet optimisme s’étendra à d’autres domaines clés de la diplomatie stratégique au Moyen-Orient, où persistent encore des dangers et des éléments d’instabilité.

Parmi les domaines essentiels de la diplomatie stratégique, il faut s’attarder en premier lieu sur le contexte israélo-palestinien, en particulier sur la nécessité de stabiliser la situation sur le terrain, qui est la condition première de tout règlement politique, et, plus généralement, de toute mesure sérieuse dans le domaine du contrôle des armements. Il convient d’insister, ensuite, sur la nécessité de contenir une situation instable au Sud-Liban et de limiter le rôle déstabilisateur du Hezbollah en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. En effet, le Hezbollah a considérablement étendu son action au-delà du cadre libanais et menace à présent les progrès qui commencent d’apparaître dans les relations israélo-palestiniennes. Il est nécessaire enfin d’évoquer les efforts diplomatiques actuellement menés par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni pour suspendre et faire cesser les activités de l’Iran visant à la maîtrise du cycle du combustible nucléaire, ainsi que sa quête stratégique de l’arme nucléaire.

Ces trois questions représentent des défis d’une extraordinaire complexité, mais peuvent faire apparaître une coïncidence d’intérêts entre l’Europe, Israël et, dans une certaine mesure, les Palestiniens. Même si chacune de ces questions mérite d’être traitée pour elle-même, cette coïncidence d’intérêts peut être le fondement d’une politique plus harmonisée entre les différentes parties, et en particulier entre Israël et l’Europe.

La responsabilité première des dirigeants palestiniens est d’affirmer leur autorité, d’empêcher les cellules terroristes de perpétrer des attentats terroristes et de démanteler les réseaux terroristes qui restent en activité. C’est le seul fondement possible de la poursuite de négociations conduisant à un règlement du conflit. Si la terreur persiste, rien ne sera possible. Si elle cesse, de nombreuses options qui n’apparaissent pas crédibles à l’heure qu’il est deviendront possibles.

Les nouveaux dirigeants palestiniens doivent imprégner la société palestinienne de l’idée qu’il n’existe qu’un gouvernement palestinien et qu’une force de sécurité palestinienne. Cela ne sera pas facile, cela impliquera des décisions énergiques et peut-être des confrontations internes. Mais la fin du recours à la terreur comme stratégie sera toujours la véritable mesure de la santé intérieure et extérieure de la société palestinienne.

De plus, celle-ci devra répondre d’une manière plus fondamentale à la nécessité d’empêcher l’incitation à la haine et de construire les socles de la démocratie, de la coexistence, de la transparence et de la responsabilité des gouvernants. Des mesures ont déjà été prises en ce sens, qui doivent être encouragées. Un gouvernement palestinien crédible est avant tout essentiel pour les Palestiniens eux-mêmes. Si cette évolution prend corps et façonne le visage de la société palestinienne, elle contribuera à la paix naissante entre Israël et les Palestiniens, mais aussi à la viabilité et à la stabilité de l’Etat palestinien.

Certains signes montrent clairement que les nouveaux dirigeants ont conscience de ces données essentielles. Cela, combiné avec la reconnaissance que la poursuite de la terreur n’atteindra pas ses objectifs et n’intimidera pas Israël, est un facteur essentiel qui permettra à Israël de réagir de manière appropriée. Même avant l’émergence d’une situation nouvelle au Proche-Orient, Israël a tenté de réduire certaines frictions et de prendre des mesures d’ordre humanitaire pour soulager les conditions de vie de la population palestinienne. Dans un passé récent, Israël a évalué le poids de ces mesures humanitaires par rapport au risque d’attaques terroristes dirigées contre ses citoyens. Dans cette période d’optimisme, Israël doit faire face à de nombreuses alertes terroristes. Si une situation calme prévaut sur le terrain, ce n’est pas dû au fait que les groupes terroristes palestiniens ne tenteraient pas de perpétrer des attentats, mais à une série d’actions israéliennes visant à les empêcher. Israël espère que la situation nouvelle sera consolidée et que les Palestiniens n’auront plus à être les otages de la terreur qui émane de leurs rangs.

Israël a la ferme intention de mener à bien son plan de désengagement visant à mettre fin à toute présence israélienne dans la bande de Gaza et à démanteler quatre implantations en Cisjordanie. Ce plan n’est pas facile et ne peut être mis en œuvre sans un rude débat à l’intérieur d’Israël, mais il sera appliqué et doit être encouragé, car il constitue un pas en avant tangible et significatif vers un retour au cadre de la feuille de route et vers un règlement négocié.

Depuis vingt ans, le Hezbollah utilise le Liban comme une base arrière pour des opérations terroristes. Ces dernières années, il a étendu ses activités à la Cisjordanie et la bande de Gaza. Depuis la mort de Yasser Arafat, il a renforcé ses efforts visant à encourager des attaques terroristes par une série de groupes palestiniens, dont le Hamas, le Jihad islamique, le Tanzim, les Brigades Al-Aqsa. Il procède à des transferts d’argent significatifs à cette fin. A ce stade, le Hezbollah pourrait être le principal facteur de déstabilisation dans les territoires et faire en sorte que la paix cède la place à la terreur.

Les services israéliens estiment que le Hezbollah apporte son soutien à au moins cinquante et une cellules terroristes dans les territoires. En 2004, le Hezbollah a été responsable de soixante-huit attaques terroristes tuant vingt-quatre Israéliens et en blessant beaucoup d’autres. Il a également été responsable de soixante-cinq autres attaques qui ont été déjouées par les forces de sécurité israéliennes.

Ces efforts se sont encore intensifiés ces dernières semaines. Le jour des funérailles de Yasser Arafat à Ramallah, une bombe a explosé dans un taxi dans cette ville alors qu’il se dirigeait vers Israël. Cette attaque a été planifiée à l’instigation du Hezbollah.

Le 9 janvier 2005, jour où s’est tenu le scrutin en vue d’élire l’Autorité palestinienne, le Hezbollah a fait exploser un dispositif sur la frontière avec Israël, tuant un soldat israélien. Dans les affrontements qui ont suivi, un officier français au service des Nations unies a également été tué. Il est clair que cette attaque visait à adresser aux Palestiniens un message de belligérance le jour même où tout indiquait qu’ils étaient en train d’élire des dirigeants modérés.

Le 13 janvier, le point de contrôle de Karni, à la frontière entre Israël et la bande de Gaza, a été la cible d’une attaque terroriste conduite par le Hamas et les Brigades Al-Aqsa. Six Israéliens ont été tués, ce qui a failli provoquer une crise entre Israël et les nouveaux dirigeants palestiniens. Certaines indications montrent clairement que les terroristes qui ont mené ces attaques étaient en contact direct et constant avec leurs correspondants du Hezbollah au Liban, qui leur ont apporté un savoir-faire et un financement.

Le but essentiel du Hezbollah reste de perpétrer plus d’attaques terroristes contre les Israéliens et de saper la perspective d’un dialogue politique renouvelé entre Israël et les Palestiniens. Le Hezbollah n’a aucun intérêt à la perspective d’une stabilisation du côté palestinien et tentera d’éloigner les Palestiniens de l’objectif d’une réconciliation avec Israël.

Empêcher le Hezbollah d’intervenir dans les territoires est d’une importance cruciale et constitue une urgence dont la signification opérationnelle est particulière à un moment où l’Autorité palestinienne commence à prendre des mesures qui peuvent rendre possibles des contacts politiques sérieux avec Israël. Des tentatives d’attaques terroristes auront constamment lieu et il faut tout faire pour les contenir et les empêcher.

De ce point de vue, l’Europe pourrait jouer un rôle très important. Le Hezbollah doit comprendre que ses efforts en vue de saper le processus de paix constituent un défi direct, non seulement aux parties elles-mêmes, mais aussi à l’Europe et à d’autres parties extérieures au conflit qui ont un intérêt majeur à la poursuite de ce processus. En inscrivant le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, l’Union européenne manifestera de la manière la plus claire son opposition de principe et politique au terrorisme.

La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont mis au cœur de leur démarche l’importance cruciale de la suspension par l’Iran de ses activités visant à maîtriser le cycle du combustible nucléaire, avec pour objectif d’empêcher ce pays d’accéder à la capacité nucléaire militaire. Même si Israël, étant donné le nombre de fois où l’Iran a rompu ses engagements, est sceptique quant à la volonté de ce pays de respecter l’accord, il soutient une approche diplomatique qui aboutirait à la suspension effective, vérifiable et prolongée des activités de l’Iran.

Les contacts avec l’Iran ont traversé différentes phases depuis le premier accord conclu à Téhéran en octobre 2003. Depuis cette date, sept rapports successifs du directeur général de l’AIEA ont mis en lumière la dissimulation et la tromperie auxquelles l’Iran a recours pour masquer ses efforts en vue d’acquérir la maîtrise du cycle d’enrichissement.

Les facteurs essentiels qui contribueront à définir la position israélienne sur la démarche européenne sont les suivants : la mesure dans laquelle le programme général de l’Iran aura été ralenti ; la mesure dans laquelle l’Iran aura exploité les failles de son accord avec la troïka ; la mesure dans laquelle il aura respecté ou ignoré les résolutions du Conseil des gouverneurs de l’AIEA le concernant ; la mesure dans laquelle il se sentira dissuadé de créer une crise afin de s’en servir comme prétexte pour se retirer de l’accord actuel ; la mesure dans laquelle il acceptera l’exigence européenne de passer de la suspension à la cessation de ses activités d’enrichissement sous les « garanties objectives » envisagées par l’accord de Paris ; la perception par Israël de l’ambition stratégique d’ensemble qu’a l’Iran d’acquérir des armes nucléaires.

Du point de vue israélien, la démarche européenne devrait être jugée à l’aune de ces critères, et évaluée en tenant compte de considérations plus larges.

Les responsables politiques iraniens soucieux de modération et de réforme sont sur la défensive. Ils n’ont pas réussi à modifier de manière significative le caractère du régime iranien. Il y a quatre ans, certains disaient que le processus de réforme était irréversible, mais il est clair que cela ne correspond pas à la situation actuelle. Il ne semble pas y avoir de grandes perspectives d’un changement du système politique allant dans le sens de la modération. Cela aura aussi son importance à l’approche de l’élection présidentielle qui aura lieu au printemps prochain en Iran.

Durant les quatre dernières années, on a surtout assisté à des avancées significatives dans les programmes de missiles balistiques. Le Shahab-3 a été testé de manière agressive et est devenu un système opérationnel dont la portée de 1 300 kilomètres inclut Israël parmi ses cibles potentielles. De plus, Israël pense que l’Iran a lourdement investi dans d’autres programmes en vue de développer des missiles de plus longue portée sous le prétexte de poursuivre des capacités de lancement de satellites.

En outre, le soutien que l’Iran apporte au Hezbollah depuis plusieurs années est considérable : une aide financière substantielle de dizaines de millions de dollars, ainsi que des missiles sol-sol, dont certains ont une portée de plus de cent kilomètres. Ce soutien a été essentiel pour permettre au Hezbollah d’adopter une attitude de provocation au Sud-Liban, surtout après le redéploiement d’Israël à la frontière, conformément à la résolution 425 du Conseil de sécurité. Le risque d’une escalade inspirée par le Hezbollah dans le nord d’Israël, qui pourrait aussi impliquer la Syrie, ne peut pas être envisagé indépendamment de la politique menée par Téhéran.

L’Iran a constamment adopté une position activement hostile à l’existence d’Israël et à la résolution du conflit. Cela explique dans une grande mesure les actions de déstabilisation conduites par le Hezbollah en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Au cas où l’on aurait des doutes, l’Iran prend la peine d’organiser des défilés de missiles Shahab-3 dans les rues de Téhéran, avec des banderoles menaçant Israël de destruction. Comme si cela ne suffisait pas, les dirigeants iraniens, y compris Ali Akbar Hashemi Rafsandjani, dont il se peut qu’il ait encore des ambitions politiques, ont affirmé dans le passé que l’emploi d’une bombe atomique suffirait à régler le problème que constitue Israël. L’Iran fait preuve d’une grande transparence en la matière, et ce type de transparence n’est guère de nature à créer un climat de confiance.

C’est pour ces raisons, entre autres, que le progrès des négociations à long terme entre la troïka européenne et l’Iran devrait être considéré avec précaution. En l’absence de changement réel dans d’autres domaines, comment peut-on être sûr d’un changement profond dans l’ambition stratégique de l’Iran d’acquérir des armes nucléaires ? Tout en continuant à souligner l’importance de l’option diplomatique, il importe de comprendre pleinement ses difficultés et ses dangers.

Quelle que soit la manière dont on interprète la démarche de la troïka européenne, il est clair que l’Iran n’a pas renoncé à faire de son programme nucléaire une option stratégique. Le fait qu’il ait accepté les conditions européennes reflète le degré de pression qui a été exercé, et qui devrait continuer de l’être, afin d’assurer l’application durable et vérifiée de cet accord.

L’intention essentielle de l’Iran semble être de gagner du temps et d’éviter une action du Conseil de sécurité des Nations unies. Israël pense que l’Iran cherche encore à surmonter ses retards technologiques afin d’atteindre un processus d’enrichissement de l’uranium pleinement opérationnel. Si cette évaluation est correcte, la position européenne devrait être ferme, et elle devrait être soutenue par les acteurs clés de la communauté internationale, qui ne devraient pas hésiter à saisir le Conseil de sécurité si l’Iran se retirait de l’accord actuel de suspension de ses activités. Cela contribuerait de manière décisive à maintenir l’Iran dans les limites de la diplomatie.

Les programmes nucléaire et balistique de l’Iran renforcent son potentiel d’intimidation et sa capacité de faire peser des menaces sur les pays arabes modérés, de la même manière qu’il tente de menacer Israël.

Certains pays du Golfe commencent à se sentir plus vulnérables face aux capacités de l’Iran en matière d’armement non conventionnel, surtout après que l’AIEA a révélé l’ampleur et la sophistication de son programme nucléaire. Des inquiétudes sont également suscitées par les efforts de l’Iran pour acquérir d’autres armes de destruction massive et pour développer des missiles balistiques. Il faut en effet avoir présent à l’esprit que les distances dont il est question sont courtes. Ces inquiétudes sont aussi à rapprocher de la menace terroriste fondamentaliste qu’Al Qaida fait peser dans la région, ainsi que de la situation mouvante en Irak.

Si l’Iran franchit le seuil nucléaire, cela pourrait aussi conduire d’autres pays arabes à reconsidérer leur position en ce qui concerne l’arme nucléaire et à poursuivre l’acquisition de capacités analogues. Le réseau Khan n’était, selon toute probabilité, pas limité à l’Iran, l’Irak et la Corée du Nord : d’autres transferts auraient pu avoir lieu, en particulier au Moyen-Orient. Il convient d’être conscient que d’autres réseaux peuvent être actifs et que certaines décisions pourraient être prises si l’Iran acquérait des armes nucléaires.

Au-delà des implications graves dans le contexte mondial, cela aurait un impact négatif considérable sur la stabilité régionale et les possibilités de contrôle des armements dans l’avenir prévisible. La situation actuelle, en ce qui concerne le contrôle des armements dans la région, n’est nullement prometteuse et est encore marquée par le fait que l’Irak, la Libye et l’Iran - et peut-être d’autres Etats -, bien que tous signataires du TNP, ont choisi de ne pas se conformer aux engagements solennels qu’ils avaient pris. Il est clair qu’il y a une crise de confiance : Israël doit l’affronter, et il n’y a pas de solutions faciles à cet aspect du problème.

A bien des égards, le moment présent est un moment d’espoir, où l’on peut apercevoir la perspective d’une négociation susceptible d’aboutir à un règlement du conflit israélo-palestinien. Ce règlement pourrait, avec le temps, être le fondement et le stimulant d’une normalisation plus large des rapports entre Israël et beaucoup de ses voisins arabes, ce qui constituerait une contribution majeure à la stabilité d’ensemble du Moyen-Orient.

D’un côté, le Hezbollah en est venu à jouer un rôle qui pourrait à la fois saper la paix israélo-palestinienne et provoquer un conflit armé intense sur la frontière nord d’Israël. D’un autre coté, l’Iran en est venu à jouer un rôle qui pourrait nuire de manière significative à la stabilité de l’ensemble de la région.

L’unité de dessein du Hezbollah et de l’Iran est ce qui menace le plus gravement le sentiment qu’une occasion se présente dans la région. L’amélioration de la situation représente pour le Hezbollah et l’Iran la menace d’une marginalisation. L’Iran pense que le conflit et l’instabilité lui permettraient de jouer un rôle plus important et vont dans le sens de ses intérêts stratégiques. L’action du régime iranien dans le sens de la radicalisation n’est pas sans rapport avec un durcissement de sa ligne dans le domaine de la politique intérieure.

Dans une certaine mesure, les menaces qui apparaissent sur le plan régional pourraient mettre en évidence la possibilité qu’une coopération régionale plus large entre des pays arabes modérés et Israël ait l’effet d’une contre-mesure efficace. La combinaison de ces facteurs pourrait constituer un fondement plus prometteur pour un développement des relations entre Israël et les pays du Golfe, lequel pourrait en lui-même stimuler le processus de paix.

La diplomatie traditionnelle au Moyen-Orient pourrait avoir besoin d’un réajustement d’ensemble pour répondre aux défis qui se présentent en ce moment précis de l’histoire. Agir chacun de son côté peut permettre d’atteindre certains objectifs, mais agir ensemble pourrait permettre d’atteindre les objectifs essentiels. En ce sens, la conception d’une approche stratégique plus large pour traiter les trois questions essentielles pourrait être la clé de solutions efficaces, crédibles et durables.

Le président Guy Teissier a estimé que le tour d’horizon de M. Issacharoff ne répondait pas à l’attente de la commission et regretté que son intervention n’ait apporté aucun élément sur la stratégie, ni sur la prolifération - notamment en ce qui concerne Israël -, ni sur la doctrine.

M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères, a tout d’abord félicité le président de la commission de la défense d’avoir mis un sujet aussi difficile à l’ordre du jour des travaux de sa commission. Il s’est réjoui qu’un meilleur climat semble s’être instauré entre Israéliens et Palestiniens et a espéré que ce climat soit durable.

Il existe un traité de non-prolifération, que tous les pays n’ont pas signé, et que certains de ses signataires ne respectent pas. C’est une situation dont il n’est pas possible de s’accommoder. Reste à savoir comment faire. Car le traité de non-prolifération consacre, d’une certaine manière, une situation inégalitaire. En simplifiant beaucoup, on pourrait dire qu’il s’agit de réserver à cinq Etats qui se trouvent être membres permanents du Conseil de sécurité le droit de détenir l’arme nucléaire.

Exemple de l’état d’esprit de certains, au cours d’un récent entretien avec le président de la commission des affaires étrangères, l’ambassadeur d’Iran en France a déclaré en substance : « L’Iran est entouré de pays nucléaires. La Russie est au nord ; le Pakistan et l’Inde sont à l’est ; Israël est à l’ouest ; au sud, la flotte américaine croise dans le Golfe persique. Dans ces conditions, cela devient un objectif national que d’être en mesure de se défendre. » Il a ajouté la phrasesuivante :« Si l’Irak avait eu l’arme nucléaire, les Américains ne l’auraient sans doute pas attaqué. »

Israël est l’un des plus petits Etats de la région, et est entouré de pays dont il a des raisons de penser que leur amitié pour lui n’est pas forcément solide, ni éternelle, ni durable. Israël estime donc devoir pouvoir prendre ses précautions, surtout si certains de ces pays se dotent de l’arme nucléaire. La position exprimée par M. Jérémy Issacharoff pourrait se résumer ainsi : « Ou tout le monde renonce à l’arme nucléaire, ou personne n’y renonce, en tous les cas pas nous. Car nous n’avons pas confiance. ». Il faut être attentif au fait qu’à l’avenir, se doter de l’arme nucléaire sera probablement de plus en plus facile. Cela sera à la portée des Etats, mais aussi de certaines organisations terroristes. Dans les vingt années qui viennent, nous serons donc confrontés à un défi majeur. La communauté internationale sera-t-elle en mesure d’imposer à tous la renonciation à l’arme nucléaire, ou devra-t-elle respecter les libertés nationales ?

Cela pose la question de l’autorité internationale et de l’organisation du monde. Nous ne pourrons pas nous accommoder éternellement de la prolifération, qui constitue un très grand danger. Il arrive que des irresponsables parviennent à la tête d’un Etat. Dans un tel cas, personne ne peut être garanti contre une décision qui mettrait le feu au monde.

M. Jérémy Issacharoff a rappelé qu’Israël, s’il n’est pas signataire du TNP, n’a jamais adopté une politique d’opposition à ce traité.

La politique d’Israël en matière de contrôle des armements ne peut être appréciée indépendamment du processus de paix. Tant que celui-ci n’a pas abouti, tant que la sécurité d’Israël est menacée, tant que son existence n’est pas reconnue, Israël doit être en mesure de se défendre, ou au moins de prévenir par la dissuasion la mise à exécution de menaces contre son existence.

En ce qui concerne l’application du TNP dans la région, les Irakiens, les Iraniens et les Libyens l’ont ratifié, ce qui ne les a pas empêchés d’ignorer leurs obligations. Lorsque la Syrie a signé le traité, elle a joint à sa signature une réserve expresse selon laquelle cette signature n’impliquait en aucune façon sa reconnaissance d’Israël ni l’établissement de quelque relation que ce soit avec lui.

Même si l’existence d’un traité de non-prolifération n’est pas une mauvaise chose, une autre approche est nécessaire : la négociation directe entre Israël et tous les autres pays de la région. La négociation directe signifie également une reconnaissance directe.

Il n’existe pas actuellement de processus visant à instaurer la confiance mutuelle entre les pays du Proche-Orient. Il n’existe pas de discussions politiques entre Israël et ses voisins sur la question du contrôle des armements, même si de telles discussions ont eu lieu après la conférence de Madrid. Les pays d’Europe, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, disposaient de la CSCE, cadre à l’intérieur duquel pouvaient se tenir des discussions tendant à instaurer la confiance entre les parties. C’est une dynamique politique de ce type qu’il faut tenter de créer au Proche-Orient. Et ce n’est pas le TNP qui le permet : c’est une plus grande confiance entre Israël et ses voisins, ce sont des progrès dans le processus de paix qui rendront possibles des mesures de contrôle des armements plus ambitieuses, portant sur les armes biologiques et chimiques ainsi que sur la question nucléaire.

M. Jean-Michel Boucheron a jugé que le président Edouard Balladur avait fort bien décrit en quels termes se posait le problème de la non-prolifération.

La possession par Israël de l’arme nucléaire le préserve depuis vingt-cinq ans d’attaques de pays voisins. C’est un élément de stabilité, dont il convient de se réjouir.

L’Iran est entouré de quatre puissances nucléaires, dont trois - l’Inde, le Pakistan et Israël - ont acquis l’arme nucléaire malgré le TNP. L’Iran est menacé par le fondamentalisme sunnite. Et il est le seul pays au monde qui ait été attaqué, dans le cadre d’une guerre conventionnelle, au moyen d’armes chimiques. La volonté des dirigeants iraniens de se doter de l’arme nucléaire est fondamentale, déterminée, et ils l’obtiendront.

Cela étant, la communauté internationale dispose de moyens de pression importants sur l’Iran, d’ordre économique, politique et diplomatique. Ces moyens ne sont pas suffisants pour l’empêcher d’accéder à l’arme nucléaire, mais ils sont suffisants pour l’obliger à modifier sa politique extérieure. Il est par exemple possible d’obtenir qu’il cesse de soutenir le Hezbollah et d’autres groupes terroristes. Il est possible de faire admettre à l’Iran qu’il faut choisir entre une politique qui en ferait un pays majeur et un pôle de stabilité, notamment au travers de l’arme nucléaire, et une politique d’Etat voyou cautionnant le terrorisme. C’est dans cette perspective que la communauté internationale doit agir.

M. Jean-Michel Boucheron a estimé qu’il était très difficile pour un groupe terroriste de se doter de l’arme nucléaire. Le grand danger de prolifération concerne le trafic de matières fissiles.

Enfin, il a souligné que les pays occidentaux devaient veiller à ne pas donner l’impression de pratiquer une politique du « deux poids, deux mesures ». Il n’est pas possible, vis-à-vis du monde musulman, de reconnaître à certains pays et pas à d’autres le droit de posséder l’arme nucléaire.

M. Jérémy Issacharoff a souhaité répondre à l’argument consistant à dire que, l’Iran se sentant menacé, sa volonté d’acquérir l’arme nucléaire serait légitime. La situation de l’Iran s’est, par certains aspects, améliorée en termes stratégiques. Ce pays n’est plus confronté au régime des talibans en Afghanistan et il n’est plus menacé par le régime de Saddam Hussein en Irak.

S’agissant de la perception que l’Iran a de sa propre situation, il est certain que le regard qu’il pose sur l’Inde et le Pakistan peut le conduire à vouloir s’engager dans une certaine direction. Mais il convient également d’être attentif au regard qu’il porte sur Israël. L’Iran menace Israël alors que l’inverse n’est pas vrai. Israël n’apporte pas son aide à des groupes terroristes présents aux frontières de l’Iran, tentant de l’infiltrer et de lancer des attaques terroristes sur son territoire. Israël ne fait pas défiler dans les rues de Tel-Aviv des missiles menaçant l’existence de l’Iran. Israël ne tente pas de s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Iran. La question est de savoir qui menace qui. Quel pays a le sentiment que sa sécurité nationale est en cause ? Personne ne menace celle de l’Iran ni ne remet en cause son existence. Israël, lui, est menacé dans son existence, et les Iraniens font preuve d’une grande transparence en la matière.

Il convient de se rappeler que l’OTAN, qui est une alliance forte et dissuasive, permet aux pays européens de conduire une politique qui répond à leurs besoins en termes de sécurité nationale comme en termes de non-prolifération. Israël n’a pas ce luxe, il n’est membre d’aucune alliance. En revanche, il est confronté à des menaces qui ne sont même pas voilées. La question du « deux poids, deux mesures » ne peut pas être séparée de cette autre question : quel autre pays du Moyen-Orient est aussi menacé que l’est Israël ? Israël, qui a subi tant d’attaques contre sa sécurité, allant de la guerre conventionnelle aux attaques terroristes en passant par la menace chimique, fait maintenant face à la perspective d’une menace ultime par l’arme nucléaire iranienne. S’il est nécessaire d’éviter le « deux poids, deux mesures », il est aussi nécessaire que l’Iran offre un certain niveau de sécurité aux autres pays de la région. Ce n’est pas le cas actuellement.

Le président Guy Teissier a fait remarquer que, si l’Europe a le « luxe » d’appartenir à l’OTAN, elle a vécu jusqu’à il y a peine quinze ans sous la terrible menace de l’Union soviétique.

Les membres de la délégation iranienne reçus il y a quelques semaines par la commission avaient assuré, la main sur le cœur, que le programme nucléaire de leur pays était un programme civil. Pour ce faire, ils ont mis en avant le fait que les inspecteurs de l’AIEA visitent leurs installations. Israël souligne qu’il est menacé par l’Iran et, tout en saluant les efforts de la troïka européenne et en se félicitant de l’accord intervenu en novembre 2004, met en doute la possibilité de faire baisser les tensions dans la région au moyen d’accords diplomatiques. Dans ce cas, la solution pourrait être dans une relation de confiance entre Israël et les organisations internationales quiœuvrent à faire baisser les tensions.

M. Jérémy Issacharoff a souligné qu’Israël a confiance dans les organisations internationales et ne nie aucunement qu’elles puissent contribuer à instaurer une plus grande confiance entre les parties ou à mettre en œuvre des mesures tendant à faciliter le contrôle des armements au Moyen-Orient. Qu’il s’agisse de l’AIEA, du processus de Barcelone ou de l’OTAN, Israël a toujours encouragé et encourage leurs efforts en ce sens. Il n’est même pas à exclure que ces organisations internationales puissent prendre des initiatives utiles pour instaurer une plus grande confiance dans les relations entre Israël et l’Iran. Israël ne refuse pas le dialogue avec l’Iran dans le cadre des forums internationaux. C’est l’Iran qui a une politique d’exclusion.

M. François Geré a jugé choquant que d’immenses panneaux publicitaires mentionnent, dans les rues de Téhéran, des classiques de l’antisémitisme comme les Protocoles des Sages de Sion. Cela crée un climat qui n’incite pas au dialogue et à la compréhension mutuelle.

L’Iran a renforcé sa position depuis les interventions américaines au Moyen-Orient : les talibans ont été écrasés ; l’ennemi irakien baasiste a disparu ; la Syrie baasiste a vu son influence considérablement réduite, ce qui a accru celle du Hezbollah au Liban.

Le fait que l’Iran devienne une puissance nucléaire n’est pas une fatalité. Certains très grands pays comme le Brésil ou l’Argentine, qui s’étaient engagés assez loin dans des programmes nucléaires militaires, et dont on pensait, il y a une quinzaine d’années, qu’ils allaient devenir des puissances nucléaires, ont finalement considéré qu’il valait mieux jouer la carte du fonds monétaire international que la carte nucléaire.

Cela dit, il ne faudrait pas croire qu’un changement de régime à Téhéran se traduirait nécessairement par une renonciation à l’ambition nucléaire. Si la perception que l’Iran a de son environnement, en termes de sécurité, ne s’améliore pas considérablement, le nucléaire demeurera aux yeux des dirigeants iraniens une option solide.

Le moment est venu d’entamer un dialogue en profondeur avec l’Iran, dialogue auquel devraient participer non seulement trois pays européens, mais aussi les Etats-Unis. Vingt-cinq ans de silence entre les Etats-Unis et l’Iran ont créé un climat dangereux et contribué à engager un peu plus l’Iran dans la voie d’une possible option nucléaire.

Enfin, la stratégie consistant à exercer sur l’Iran des pressions pouvant aller jusqu’à la menace d’une action du Conseil de sécurité n’est guère susceptible d’aboutir. Après une éventuelle action du Conseil de sécurité, que se passerait-il ? On ne peut pas adopter une stratégie de bord du gouffre, car la guerre n’est pas une option.

M. Jérémy Issacharoff a souscrit à l’idée que la communauté internationale ne saurait accepter comme une fatalité l’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran. Au cours des deux dernières années, l’Iran a cédé à la pression extérieure lorsque celle-ci était claire, cohérente et émanait à la fois de la troïka européenne, de l’AIEA et de membres importants de la communauté internationale.

Le simple fait que le régime iranien soit plus modéré ne se traduirait pas automatiquement par une renonciation stratégique au programme nucléaire. Cependant, sa mise en œuvre, si elle n’était pas abandonnée, ne s’accompagnerait pas de la même agressivité. La situation n’est pas la même quand un programme nucléaire est poursuivi par un régime radical qui se donne pour objectif la destruction d’un autre pays.

L’initiative européenne est confrontée à un immense défi. Elle peut fort bien échouer comme elle peut au contraire aboutir à des résultats que personne n’espère. Beaucoup dépendra de la manière dont les Etats-Unis s’impliqueront dans cette démarche. Jusqu’à présent, ils ont surtout gardé leurs distances, pour différentes raisons. Mais cette initiative ne réussira que si elle comporte une dimension américaine.

Israël soutient l’option diplomatique et travaille à la renforcer. Il lui paraît important que la troïka européenne, les Etats-Unis, la Russie et d’autres acteurs importants aient une position diplomatique unie. C’est bien l’option diplomatique qui est privilégiée par Israël, qui ne croit pas à l’aventurisme que peuvent comporter d’autres options. L’option diplomatique a d’ailleurs eu, au fil des ans, des effets positifs, puisque le programme nucléaire iranien a été ralenti. Celui-ci peut être d’une nature civile, mais il n’a pas d’objectif civil : le but poursuivi par l’Iran est bien la capacité d’enrichissement de l’uranium en vue d’applications militaires.