Vers un Renouvellement du Partenariat Transatlantique

EuropeÉtats-UnisRelations internationales

Rapport d’un groupe de travail indépendant sponsorisé par le Council on Foreign Relations
Henry A. Kissinger & Lawrence H. Summers Co-présidents
Charles A. Kupchan, Directeur de Projet.

Le rapport du groupe de travail commence par énumérer trois intérêts dits « compatibles » et qui sont fondamentaux :
- Maintenir et soutenir nos traditions communes et la communauté qui s’est formée autour.
- Se débarrasser, ou au moins neutraliser, ce qui pourrait mettre en danger la prospérité et la sécurité commune.
- Aider les autres parties du monde, les Arabes et le monde islamique compris, en partageant les bénéfices des institutions démocratiques et de l’économie de marché.
Ainsi, la première recommandation est que les Européens et les Américains reconnaissent ce qui les unit et réaffirment leur engagement dans un but commun.

Ensuite, trois priorités pour le futur sont définies :
- Un monde sûr, libéré de la peur d’être attaqué par des Etats, des organisations ou des individus agissant indépendamment des Etats.
- La primauté du droit : l’objectif n’est pas un gouvernement mondial, mais plutôt une coexistence de l’unité dans la diversité.
- La qualité de la vie.

Il y a un consensus au sein de la communauté transatlantique sur les nombreux défis auxquels devront faire face nos intérêts communs (terrorisme, l’incompétence économique, les dégradations de l’environnement...) mais il y a des différences sur la façon de les appréhender. Les différences se trouvent dans la manière de diriger, dans des cultures distinctes, dans les politiques intérieures... Mais malgré les désaccords aigus rencontrés récemment , ces différences ne sont pas plus sérieuses que celles qui se sont faites jour lors de la crise de Suez dans les années 50, lors de la guerre du Viêt-Nam dans les années 60, lors de la guerre du Kippour et du choc pétrolier dans les années 70, ou encore dans le débat à propos du déploiement des missiles dans les années 80. Ces disputes passées ont permis de réaliser qu’elles étaient gérables tant qu’elles restent dans le cadre d’objectifs stratégiques communs.

La crise irakienne a été la première crise majeure au sein de l’alliance en l’absence de danger dont la perception était partagée, c’est pourquoi ce groupe de travail établit quatre leçons qui devront être tirées afin d’assurer qu’entre les Etats-Unis et l’Europe ce n’était qu’une anomalie :
- Leçon un : aucune alliance ne peut fonctionner avec succès sans stratégie commune, ou avec des stratégies concurrentes.
- Leçon deux : une stratégie commune nécessite des capacités équivalentes. Il n’y a pas d’alternative à la complémentarité et si l’alliance transatlantique prospère à nouveau, ses membres vont devoir redécouvrir ce principe et réactiver sa pratique.
- Leçon trois : le maintien d’une alliance Atlantique saine nécessite un leadership politique national assumé.
- Leçon quatre : le temps est venu de clarifier les buts et les profits générés par l’intégration européenne. Malgré ses aspirations, c’est plus la faiblesse de l’Union européenne que sa force, qui est susceptible de poser des problèmes au partenariat transatlantique. Les dirigeants européens doivent résister à la tentation de définir leur identité en opposition aux Etats-Unis.
- Leçon cinq : la coopération économique transatlantique renforce la coopération politique.

Les Européens devraient reconnaître le besoin de recourir à des menaces crédibles, et pas seulement à des incitations, pour négocier avec les Etats irresponsables : la diplomatie coercitive est parfois nécessaire pour atteindre des résultats.
Les Américains vont avoir à inclure les incitations dans leur stratégie : les menaces ne permettent pas toujours d’obtenir le consentement.

Les initiatives lancées devraient donc être intensifiées en incluant :
- un approfondissement de la coopération sur les matériaux nucléaires de l’ex-URSS ;
- un renforcement des liens entre les services de renseignements américains et européens ;
- le développement de la Proliferation Security Initiative ;
- un terme aux échappatoires au sein du régime de non-prolifération qui autorisent les pays à accumuler légalement des stocks importants de ressources nucléaires ;
- un affermissement des mécanismes visant à répondre aux violations des régimes de contre-proliférations existants.

Le but ne doit pas être d’imposer des changements aux sociétés traditionnelles, mais plutôt de travailler avec les dirigeants politiques, économiques et civiques locaux en soutenant un processus de réformes graduelles.

En l’absence de danger présent clairement défini sur lequel se concentrer, les dirigeants américains et européens vont sans aucun doute être tentés de satisfaire les groupes au sein de leurs sociétés respectives qui ont peu d’intérêt à encourager, et sont même susceptibles de s’opposer activement, à la coopération transatlantique. Les dirigeants américains vont chercher à contenter ceux qui minimisent les bénéfices réels de cette relation. Les dirigeants Européens qui appelleront au pacifisme se distanceront des Etats-Unis.
Les opportunistes verront ainsi la promotion du sentiment anti-américain et anti-européen comme une chance pour faire avancer leurs propres intérêts. Les gouvernements des deux côtés de l’Atlantique vont devoir faire face aux pressions de ceux qui souhaitent protéger leur économie intérieure contre la compétition étrangère, et l’Histoire suggère qu’ils le feront - trop souvent- en succombant à celles-ci.

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