Marianne et Athéna : La pensée militaire française du XVIIIeme siècle à nos jours, un livre de Lars Wedin

« La France bien connue pour être un pays de paradoxes vient d’en ajouter un nouveau : le premier ouvrage de synthèse sur la pensée militaire française durant ces trois derniers siècles aura été écrit par un…. Suédois ! Il existait bien l’ouvrage du colonel Eugène Carrias qui date (1960) et dont les mérites étaient modestes.

J’ignore si le fantôme de Bernadotte, aventurier napoléonien devenu roi de Suède en 1810, a inspiré le commandant Wedin, ce que je sais, à la lecture de son livre, c’est qu’il a passé de longues années à comprendre les processus intellectuels qui ont conduit les militaires français à exprimer des conceptions, à élaborer des doctrines, parfois des théories, voire des systèmes. Et l’on est en droit de se demander pourquoi nul chercheur français ne s’est, à ce jour, engagé dans une entreprise similaire. S’agissant d’une réflexion de l’extérieur, l’ouvrage a le grand mérite de la distanciation qui favorise la hauteur de vue. Il a inévitablement le petit défaut de laisser de côté quelques détails culturels ( par exemple les différences entre officiers polytechniciens et Saint Cyriens) si familiers que nous Français en exagérons parfois l’importance.

La distanciation permet à la fois de relativiser et de faire preuve d’objectivité. Or la France souffre encore de singuliers travers dans ces deux domaines. Le poids de l’histoire, de la culture, de la mémoire et de la tradition obscurcissent le jugement et sclérosent la libre pensée. De cela un capitaine de vaisseau suédois n’a cure et c’est tant mieux. Il n’est pas complice de nos querelles intestines et ne ressent pas nos blessures qui tardent à cicatriser (Vichy, la collaboration, les répressions de masse à Madagascar, la torture en Algérie…). Il ne partage pas la tradition coloniale et n’éprouve qu’une curiosité de chercheur pour le fantasme de la « grandeur de la France » qui explique cet acharnement politique à disposer de l’arme nucléaire. Nous pouvons donc lire enfin des chapitres érudits et dépassionnés sur la pensée militaire française durant l’entre deux guerres mondiales ainsi que des développements sereins sur la guerre révolutionnaire et la contre insurrection.

Si la France ne parvient pas encore à achever le travail de deuil de son XXè siècle, cet ouvrage y contribue et c’est tant mieux pour nos écoles de guerre. »

François Géré


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