Richard Perle : un hors sujet

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Surnommé, « le Prince des Ténèbres » à l’époque de l’Initiative de Défense Stratégique de 1983, le verbe haut, agressif et provocateur, Richard Perle s’est taillé dans les dernières années de la guerre froide une place de choix. Qu’en est-il vingt ans après ? L’écho fait à ses propos par les médias français, voire par certaines élites politiques porte à s’interroger sur le rôle effectif et la légitimité supposée du personnage.
Or pour appréhender le pouvoir réel de M.Perle aujourd’hui, il est nécessaire de connaître le chemin politique que celui-ci a parcouru, les influences qu’il a subies et les soutiens dont il a pu se prévaloir ; il paraît judicieux ensuite de souligner les aspects plus troubles de ce parcours afin de juger à leur aune du crédit à apporter aux positions prises par M. Perle.

Au début de sa carrière, R. Perle a subi deux influences majeures : celle d’Albert Wohlstetter, « gourou » de la Rand Corporation (et de l’US Air Force), spécialiste des questions stratégiques et nucléaires durant la guerre froide, et celle du sénateur Henry Jackson qui était très lié à l’industrie de l’armement, conservateur anti-communiste et fervent soutien d’Israël.

La première influence a certainement permis à M.Perle de devenir expert sur le sujet de la prolifération des armes, d’obtenir le poste d’adjoint au Secrétaire à la défense, M. Caspar Weinberger et de développer au contact d’autres protégés de M. Wohlstetter, notamment M.Wolfowitz, l’architecture de la pensée des « faucons » aujourd’hui en place au Pentagone.
La seconde a permis à M.Perle de développer ses réseaux au cœur de l’administration américaine - il est intéressant de noter que cela fait plus de vingt ans qu’il évolue au plus au niveau de l’administration, ainsi que dans les milieux d’affaires.

Cette double influence a vraisemblablement amené M.Perle à occuper des fonctions - souvent de manière concomitante, au sein de l’administration américaine, de think tanks conservateurs, de lobbies, de grandes entreprises et auprès du Likoud israélien.

Cette confusion d’intérêts a finalement été la cause de la démission de M.Perle au début de l’année 2004, de son poste - honorifique-, de chef du Conseil sur la Politique de Défense. Il aurait en effet utilisé à son profit son statut de membre du gouvernement pour faire réaliser des affaires à des sociétés pour lesquelles il était aussi consultant.

Ce qui apparaît en fait, c’est que d’un statut légitime au sein de l’administration Reagan, M. Perle s’est vu accordé une place honorifique pour « services rendus » au sein de l’Administration G.W Bush, puis est finalement aujourd’hui soupçonné de malversations financières ainsi que de trafic d’influence. Bien qu’aucune de ces allégations n’ait été judiciairement confirmées, il apparaît néanmoins que l’autorité de M.Perle est discutable, tout autant que sa légitimité.

Comment alors ne pas s’étonner des tribunes qui lui ont été offertes dans les médias français et certaines formations politiques.
Les Français seraient-ils masochistes ou simplement incapables d’évaluer leurs réels interlocuteurs ?