L’analyse de l’IFAS : les opérations suicide

TerrorismeOpérations suicide

1. La première particularité des opérations suicides est que celles-ci reposent sur l’utilisation de l’être humain comme arme guidée. En cela, un tel système de guidage est sans aucun doute le plus efficace jamais conçu : l’intelligence humaine elle-même.
Comme nous l’avons montré dans de nombreuses études, l’utilisation des opérations suicides est ancienne et multiculturelle. Elle n’est en effet pas liée à une religion spécifique ou à un système politique donné. Dans les années cinquante, les Communistes vietnamiens utilisaient ce type d’opérations contre les Français, à l’image de ce que les célèbres Kamikazes japonais firent contre la marine américaine dans le Pacifique, à la fin de la Seconde guerre mondiale. Pendant deux décennies (1980-2000) au Sri lanka, les Tigres noirs tamouls firent une large utilisation des opérations suicides par le biais de jeunes femmes pour des motifs purement nationalistes.

2. Les opérations suicides (OP-S) interviennent dans un contexte caractérisé par un fort déséquilibre entre deux ennemis. Il s’agit alors d’une arme de dernier recours (mais pas de désespoir), utilisée par le plus faible dans le but de compenser son infériorité stratégique.
Les OPS disposent d’importants atouts : la précision apporte une meilleure efficacité qui influe sur le ratio des victimes ; elles affectent en cela le moral de l’ennemi et, de nos jours, elles sont amplifiées par les médias.
Au regard de la nature des cibles, il y a deux sortes d’opérations suicides :
La première catégorie cherche à frapper des objectifs militaires, tandis que la seconde vise tous ceux qui sont désignés comme « ennemis », sans discrimination entre civils et militaires, hommes ou femmes, enfants ou adultes. Tous sont mis sur le même plan.
Bien évidemment, il y a fréquemment des recouvrements. En faisant exploser un poste militaire, un opérateur suicide peut tuer l’ensemble des civils présents dans la zone cible. De tels dommages collatéraux causent ainsi un certain nombre de victimes supplémentaires, même si non intentionnelles. La distinction entre soldats et « activistes » ou guérilleros n’est pas aisée à établir. C’est la raison pour laquelle la notion de « non-discrimination » doit être considérée comme un critère essentiel.

3. De nos jours, les OP-S sont majoritairement utilisées par des groupements islamistes violentes à travers le monde. Mais d’autres associations motivées par le nationalisme se servent aussi de ce type d’arme. Très souvent, les motivations religieuses et politiques se combinent, comme cela peut l’être dans le cas des opérations suicides perpétrées par certaines organisations tchétchènes.
Le choix entre une simple voiture chargée d’explosifs placée près de la cible et la même voiture conduite par un terroriste est de nature purement opérationnelle. Cela relève de l’organisation en fonction du niveau d’efficacité recherché par les terroristes, sans considération particulière pour le facteur humain. Cette liberté de choix provient de l’abondance en personnes se prétendant prêtes à « sacrifier » leur vie et à devenir « martyrs ». Une telle situation constitue par elle-même un problème fondamental qui doit être traité en profondeur.
En fait, le véritable défi opérationnel repose sur l’entraînement. Les attaquants suicides doivent être minutieusement recrutés, préparés physiquement et psychologiquement dans le but d’être gagnés et de développer le zèle nécessaire à l’acte terroriste.
Si cet entraînement se révèle bâclé ou hâté, l’homme ou la femme peut avoir un comportement imprévu et l’opération à tout moment échouer. L’opérateur suicide hésitera par exemple, renoncera à donner sa vie ou à prendre celle des civils.

4. La lutte contre les opérations suicides est une mission des plus complexes. Elle requiert une stratégie globale qui ressemble au contre-terrorisme mais en diffère sur de nombreux points.
La protection militaire et même la prévention par le biais d’attaques préemptives sont nécessaires mais pas suffisantes. L’action policière est un élément-clé, car il s’agit de traquer et de démanteler les réseaux et d’identifier les individus.
Les actions psychologiques constituent aussi un facteur-clé et ce afin de pénétrer la psychologie des opérateurs suicides et leurs leaders. Il est indispensable de comprendre toutes les motivations, les problèmes sociaux et la culture qui conduisent des êtres humains à devenir des armes qui tuent d’autres êtres humains. C’est pourquoi la notion d’éthique est une donnée cruciale.

5. L’activité du Centre d’Observation des Opérations Suicides cherche à contribuer au mieux à la mise en place d’une contre-stratégie efficace.
Le Centre apportera une information précise et offrira des analyses pertinentes. Il présentera le point de vue de tous les acteurs directement ou indirectement impliqués dans le domaine de l’attaque suicide et comparera différentes situations dans différents pays du monde.
Un savoir bâti sur la prise en compte de ces diversités contribue à éviter les généralités excessives qui, souvent, accompagnent l’utilisation de cette arme de terreur. Il apparaît de la plus haute importance de faire une nette distinction entre les similarités réelles (planification, entraînement, matériels...) et les spécificités de chaque contexte politique et social. Les contraintes liées au terrain, au temps et aux autres facteurs physiques, jouent un rôle essentiel dans la modification du processus de ces opérations.

Dans ce domaine, l’IFAS cherche ainsi à fournir un savoir précis aux personnes concernées par cette forme de terrorisme. Il aidera aussi les professionnels de la contre-stratégie à concevoir, développer et mettre en place leur action.

Comprendre la complexité et la diversité des OP-S constitue la première étape dans l’éradication d’une malfaisance qui a harcelé l’humanité pendant des siècles.

6. L’IFAS met en ligne sur Internet une mise à jour des opérations suicide à travers le monde. Il met à disposition du public une information sur le phénomène à travers des statistiques. Il ouvre un forum de discussion pour tous ceux qu’interpelle ce phénomène de violence politique et idéologique organisée.

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