Pour un moratoire sur les sanctions à l’égard de l’Iran

Il y a encore quelques semaines, diplomates et experts s’interrogeaient sur l’opportunité et la nature de nouvelles sanctions contre le régime iranien. C’était avant que ne déferle sur tout le pays une nouvelle vague de protestations très durement réprimées. Aujourd’hui des équipes de tueurs sillonnent les villes s’en prenant à des opposants modérés comme le neveu de M. Moussavi afin de terroriser ceux qui ont le courage de faire usage de la liberté d’expression. De tels crimes relèvent d’un mépris total du droit et de la personne humaine, de Dieu et des valeurs de l’islam.

François Géré, « Pour un moratoire sur les sanctions à l’égard de l’Iran », Le Figaro, 30 Décembre 2009.

Il y a encore quelques semaines, diplomates et experts s’interrogeaient sur l’opportunité et la nature de nouvelles sanctions contre le régime iranien. C’était avant que ne déferle sur tout le pays une nouvelle vague de protestations très durement réprimées. Aujourd’hui des équipes de tueurs sillonnent les villes s’en prenant à des opposants modérés comme le neveu de M. Moussavi afin de terroriser ceux qui ont le courage de faire usage de la liberté d’expression. De tels crimes relèvent d’un mépris total du droit et de la personne humaine, de Dieu et des valeurs de l’islam.

Prétendre encore que les manifestants sont manipulés par des agents étrangers relève du mensonge grossier. Face à cette situation il est urgent et indispensable que la communauté internationale agisse. Mais quelles mesures prendre ?
Depuis les élections présidentielles de début juin le véritable enjeu tient à la nature et à l’évolution du régime iranien. Prenant une tournure de guerre civile les affrontements actuels portent sur la nature des institutions en liaison avec l’évolution de la société et le passage des générations. Rien n’est donc simple. Ce ne sont pas les mauvais conservateurs contre les bons libéraux réformistes, les laïcs contre les religieux, les jeunes contre les vieux. C’est une crise générale qui remet en cause le principe de l’équilibre des pouvoirs traditionnellement arbitré par le guide suprême.
Les opposants ne sont pas des démocrates au sens occidental du terme. On les entend revendiquer l’héritage de l’imam Khomeini et célébrer les valeurs de l’islam. Ils manifestent aussi pour faire respecter leur droit à vivre conformément à la diversité et au pluralisme qu’impliquent ces valeurs dans la tradition iranienne. La question du nucléaire n’est donc plus qu’un élément du débat parmi d’autres et certes pas le premier.

L’Agence internationale de l’énergie atomique a proposé le transfert en Russie d’une partie du stock d’uranium enrichi à 3% pour être enrichi à 20% et revenir alimenter le réacteur de Téhéran. En raison des réponses contradictoires et dilatoires d’un gouvernement iranien indécis les membres permanents du conseil de sécurité envisagent d’aggraver les sanctions. Une telle décision serait contreproductive au regard des circonstances. Elle fournirait un argument aux Gardiens de la Révolution pour utiliser à leur profit un sentiment national qui s’est détourné d’eux.

Aujourd’hui les plus durs parmi les Pasdaran et les chefs des milices bassidje courent le risque d’un isolement politique. Le recours à la violence et les manquements aux principes de la république islamique ont provoqué l’union des modérés, des réformateurs, des libéraux, de la bourgeoisie marchande et du monde ouvrier. En 1979 le Shah perdit le pouvoir parce qu’il avait provoqué la coalition de la plus grande partie de la société iranienne de Khomeini aux Moujaheddines du peuple en passant par le parti communiste et la bourgeoisie libérale. Dans ces conditions il est impératif de reconsidérer la stratégie des sanctions. Il est toujours impossible déterminer si elles affectent le citoyen ordinaire ou les dirigeants ; impossible mesurer jusqu’à quel point elles renforcent le régime qui les attribue au soi disant complot « impérialiste sioniste ». Une chose est certaine : sur l’ensemble du spectre des partis politiques et organisations syndicales les sanctions ne sont pas les bienvenues pas plus que l’éventuelle option militaire. Reporter à plus tard l’aggravation des sanctions ne suffit donc pas.

Prenant une initiative courageuse, le Conseil de sécurité devrait sans tarder déclarer un moratoire sur les sanctions pour une durée indéterminée jusqu’au retour d’une stabilisation pacifique en Iran. Il ferait clairement entendre que la répression brutale, les meurtres et l’intimidation, si elles devaient l’emporter, provoqueraient un retour des sanctions visant directement les personnes et les biens de ce qui ne serait plus qu’une junte illégitime. Un tel geste, loin d’apparaître comme un signe de faiblesse, permettrait à l’ensemble de la société iranienne de trouver par elle-même dans le calme une solution à ses difficultés, tout en sachant que la communauté internationale veille ; qu’elle est prête au dialogue, qu’elle soutient la justice et respecte les valeurs d’une grande civilisation mais qu’elle entend réagir durement contre un despotisme brutal qui n’est ni iranien ni musulman.