Peu importe le nombre de têtes pourvu qu’on ait les vecteurs

Forces nucléaires avérées et potentielles des Etats-Unis

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L’initiative de désarmement impulsée par le président Obama avec le traité New START de 2010 doit contraindre chaque partie à la détention de 1550 têtes nucléaires stratégiques déployées pour un maximum de 800 vecteurs nucléaires stratégiques (déployés ou non) dont pas plus de 700 devront être des lanceurs de missiles balistiques déployés et des bombardiers stratégiques déployés.

En dépit de cette initiative politique et de ces contraintes juridiques, les forces nucléaires américaines déployées, demeurent quantitativement et qualitativement supérieures à celles de toutes les autres nations. Au surplus, les Etats-Unis disposent d’une « rallonge » nucléaire à travers leurs armements duals et la force nucléaire de l’allié britannique.

Les USA détiendraient au total 7260 têtes nucléaires dont 2080 déployées et 5180 en réserve ou en démantèlement [1]. La composante sol-sol comporte 450 missiles balistiques intercontinentaux Minuteman III équipés d’une tête nucléaire chacun (capacité d’emport maximum de 5 têtes). La composante air-sol repose sur 20 bombardiers stratégiques B-2 et 76 bombardiers stratégiques B-52. La composante mer-sol repose quant à elle sur 14 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) emportant chacun 24 missiles Trident II D-5 porteurs au total d’environ 1000 têtes nucléaires, soit en moyenne trois têtes nucléaires par missiles (capacité d’emport maximum de 14 têtes) à laquelle s’ajoutent 4 SNLE reconvertis en sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisières (catégorie de bâtiment propre aux USA) équipés de missiles Tomahawk conventionnels (potentiellement re-nucléarisables, cf. infra). A noter que la Nuclear Posture Review 2010 (NPR) envisageait de passer à 12 SNLE d’ici 2020.

L’Amérique dispose par ailleurs de plusieurs missiles de croisière nucléaires : l’AGM-86 B équipant les B-52H ainsi que son remplaçant en projet d’élaboration ; le LRSO qui pourra être emporté par les B-52H, B-2 ainsi que par le Long Range Strike Bomber en projet d’élaboration pour remplacer les bombardiers lourds pré-cités. Washington détient également des bombes gravitationnelles B-61, déployées notamment dans le cadre de l’OTAN en Europe et pouvant être potentiellement emportées sur Panavia Tornado, F-15, F-16, F-18, F-35, B-52, B-1, B-2.

Il est également possible, à titre non exhaustif, de dénombrer parmi les forces et matériels nucléaires potentiels des USA 11 porte-avions avec des aéronefs potentiellement capables d’embarquer des B-61 et répartis sur les six flottes de la Navy (Pacifique occidental, Pacifique oriental, océan Indien, Atlantique Nord, Atlantique Sud et Méditerranée) ainsi que les missiles de croisière (dénucléarisés) Tomahawk BGM 109-A (TLAM-N) retirés récemment du service (2010) mais dont la technologie demeure re-nucléarisable.

A cela peuvent s’ajouter les appareils du parc américain dotés d’une capacité nucléaire potentielle d’emport des bombes B-61 (Harrier, F-15, F-16, F-18, F-35 de l’Air Force, de la Navy et des Marines). Sans oublier les 66 bombardiers stratégiques B-1 qui sont toujours en service bien que n’étant plus équipés pour les missions nucléaires (ils n’en demeurent pas moins re-nucléarisables, la NPR affirmant vouloir conserver cette capacité, comme pour le F-35, afin d’emporter des bombes B-61) et quelques avions d’attaque au sol F-117 (retirés du service en 2008, quelques exemplaires ont été conservés pour effectuer des tests et sont en cas de besoin re-nucléarisables pour emporter des B-61).

Il faut par ailleurs prendre en compte les avions Panavia Tornado et F-16 des pays membres de l’OTAN accueillant des B-61 américaines (Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Italie, Turquie). Doivent être également envisagés comme force surnuméraire potentielle, les moyens nucléaires navals de la Grande-Bretagne puisque cette dernière, en vertu des accords de Nassau (1962) ainsi que d’un gentlemen’s agreement avec Washington, soumet l’utilisation de sa force nucléaire à l’autorisation américaine (les missiles balistiques des SNLE britanniques sont par ailleurs des Trident fabriqués par le missilier américain Lockheed Martin ce qui établit une tutelle techno-stratégique entre les deux Etats).

L’initiative du président Obama relève davantage de la maîtrise des armements (arms control) que du véritable désarmement en ce qu’elle constitue une limitation quantitative et non qualitative, mais encore, en ne portant que sur les systèmes d’armes stratégiques – c’est-à-dire les plus visibles – elle occulte un formidable potentiel dont l’existence vient relativiser la confiance affichée dans l’espoir d’un monde futur sans armes nucléaires.

Photo : bombardier B-2 - US Air Force - The appearance of U.S. Department of Defense (DoD) visual information does not imply or constitute DoD endorsement.


Alexis Baconnet est chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS).


[1SIPRI yearbook 2015.